mercredi 30 avril 2008

JAMES BOND 007 - THE SPY WHO LOVED ME

James Bond est de nouveau en action... Et le S.P.E.C.T.R.E. aussi, lorsque l'infâme Horst Uhlmann - un des adversaires les plus mortels de 007 - refait surface au Canada en faisant chanter un pilote d'essai de la Royal Canadian Air Force pour obtenir des informations sur un nouvel avion militaire furtif. Bond survit à un piège fatal imaginé par Madame Spectra, la mystérieuse et masquée nouvelle dirigeante de S.P.E.C.T.R.E., et traverse la frontière pour faire un rapport à la C.I.A.

En chemin pour Washington, James sauve une demoiselle en détresse de deux brutes déterminées dans un motel sur le point d'être fermé. Plus tard, de retour à Londres, il doit enquêter sur la piste d'un dangereux gang de criminelles volantes appelé « Les Harpies ». Les investigations de l'agent secret 007 le mênent à Simon Nero, un industriel puissant et contractant en aéronautique pour les gouvernements britannique et américain.

« Hauteur: 183 centimètres; poids: 76 kilogrammes, svelte; yeux : bleus ; cheveux : noirs ; cicatrice au bas de la joue droite et sur l'épaule gauche ; signes de chirurgie plastique au dos de la main droite (voir annexe « A »); athlète complet ; expert au tir avec pistolet, boxeur, lançeur de couteau ; n'utilise pas de déguisements. » (Ian Fleming, Bons baisers de Russie, 1956)


MISSION PARTICULIERE

« Là où tous les autres Bond finissent, celui-là commence... » disait l'accroche de l'affiche originale de Moonraker (1979), la 11ème aventure officielle de James Bond pour le grand écran. Avant de devenir la francise la plus longue et la plus profitable de l'industrie cinématographique, la création littéraire de Ian Fleming fut adaptée pour la télévision (Casino Royale, 1954 - un épisode de l'anthologie Climax! avec l'américain Barry Nelson dans le rôle de Bond), puis pour une série de bandes dessinées quotidiennes publiée pour la première fois en 1958 dans le journal londonien Daily Express.

Fleming était presque réticent face à l'idée de voir son personnage dans une bande quotidienne et il vendit les droits à l'Express avec l'assurance que la série serait de très haut niveau et avec ce que l'on appellerait aujourd'hui un « final cut » sur les bandes avant publication. De 1958 à 1966, le dessinateur John McClusky illustra les adaptations des romans de Fleming (et d'une nouvelle, Risico) par des scénaristes fidèles aux livres : Anthony Hearn, Peter O'Donnell (Modesty Blaise) et surtout Henry Gammidge.

« C'est un nouveau monde. Avec de nouveaux ennemis. Et de nouvelles menaces. Mais vous pouvez toujours compter sur un homme...» Ainsi fut introduite la période Pierce Brosnan de la franchise James Bond dans le premier film-annonce de GoldenEye (1995) mais cette accroche est le résumé parfait des difficultés rencontrées par les successeurs de Gammidge et McClusky : l'illustrateur Yaroslav Horak et le scénariste Jim Lawrence.

« Ca ne sera pas un travail facile » (James Bond - Ian Fleming, Bons baisers de Paris, 1960)

NOBODY DOES IT BETTER

Ian Fleming mourut en 1964, laissant inachevé ce qui est considéré comme le plus faible de ses livres : L'homme au pistolet d'or. Soutenu par les lignes dures et les tons sombres de Horak (dans un style réminiscent de celui de Rip Kirby d'Alex Raymond), Lawrence ajouta des éléments nouveaux au roman d'origine à l'adaptation en bandes dessinées, pavant la route vers d'autres triomphes graphiques pour 007.

The Spy who loved me - L'Espion qui m'aimait (publié pour la première fois en 1967 par le Daily Express) est le prototype de l'incroyable travail produit par Jim Lawrence et Yaroslav Horak pour étendre les frontières de l'univers de 007 sur une base quotidienne au-delà de l'ombre de Ian Fleming. Mais cet adieu au canon de Fleming est basé sur son titre le moins « bondien » (voir les explications de Paul Simpson dans la présente édition pour plus de détails).

« La Police Montée a identifié un espion opérant à Toronto comme étant votre vieil ennemi - Horst Uhlmann! » (M)

Fort intelligemment, Jim Lawrence n'utilise le matériel source du roman qu'à la seconde moitié de l'histoire. La bande dessinée commence avec la réintroduction de la diabolique organisation S.P.E.C.T.R.E. après la fin brutale de son fondateur, Ernst Stavro Blofeld, dans You only live twice - On ne vit que deux fois (le roman et la bande dessinée).

Après que le nom de Horst Uhlmann, un des plus dangereux agents de S.P.E.C.T.R.E., ait émergé dans une affaire de chantage liée à un nouvel avion de l'armée de l'air canadienne, Bond se rend à Toronto avec pour mandat de ramener l'homme vivant à Londres afin d'obtenir des informations sur les opérations en cours de l'organisation. Mais la masquée Madame Spectra, nouveau chef de S.P.E.C.T.R.E., prépare sa vengeance...

PERMIS RENOUVELE

« S.P.E.C.T.R.E. a un lourd contentieux avec M. Bond - Et ce soir nous allons lui régler son compte. » (Uhlmann)

Horak et Lawrence réussissent à créer une alternative de qualité aux livres et aux films avec des éléments spécifiques tels que les couvertures régulièrement utilisées par 007 (par exemple, l'ex-inspecteur corrompu Mark Hazard) et un environnement entre les premières saisons de Chapeau melon et bottes de cuir avec Ian Hendry ou Honor Blackman, et un épisode de Des Agents très spéciaux. Ce côté Napoleon Solo est flagrant dans l'incroyable affrontement entre Bond (assisté par les renseignements canadiens) et les assassins de S.P.E.C.T.R.E. avec leurs fusils customisés façon THRUSH.

Mais la tradition n'est pas négligée pour autant avec une première apparition typique de Bond dans son appartement en compagnie d'une superbe créature (« Règles du marquis de Queensberry, ma chère - la cloche entre les rounds ! » ).

« ... Mais je n'oublierais jamais, non jamais, l'espion qui m'aimait ! » (Vivienne Michel)

Après ce clash au Canada, Lawrence rend un dernier hommage à Ian Fleming. The Spy who loved me continue avec une histoire plus familière aux lecteurs du créateur de James Bond. Dans un motel des montagnes Adirondack, Vivienne, l'employée, doit passer la nuit seule dans l'attente du propriétaire afin que celui-ci ferme définitivement l'établissement. Mais l'homme a un agenda caché et il envoie sur place des « experts en assurance » pour se débarasser de sa propriété et de la fille.

Heureusement, Bond passe par là et - connaissant son Simon Templar sur le bout des doigts - sauve la jeune femme en détresse des deux voyous. Presque une silhouette dans le livre de Fleming, 007 remplit ici ses devoirs « hard-boiled » dans de formidables séquences d'action loin des affaires d'espionnage mais néanmoins très impressionnantes, grâce à Yaroslav Horak.

QUITTE OU DOUBLE

Avec The Spy who loved me, l'éditeur britannique Titan Books poursuit la redécouverte des bandes du Daily Express initiée en 2004 avec la sortie de The Man with the Golden Gun. Et comme Bond vit toujours deux fois, Titan nous offre une deuxième histoire, The Harpies: lorsque un scientifique de l'université de Cambridge est sur le point de dire s'il va remettre un rayon de la mort de son invention (le rayon Q !) au gouvernement de Sa Majesté, il est enlevé par un groupe de criminelles baptisé Les Harpies (« Les Harpies - qui, vous ne l'ignorez pas, rivaliseront bientôt avec SPECTRE ou la Mafia! » )

Une piste mène 007 à Simon Nero, scientifique, industriel et homme à femmes. Se faisant passer par l'ex-inspecteur de police corrompu Mark Hazard, il infiltre la compagnie de Nero en tant que nouveau chef de la sécurité. Mais il doit compter avec Barry Kemp - son sadique assistant (dont l'animal favori est une vicieuse hermine génétiquement modifiée) et la proche collaboratrice de Nero : Odile Cazan, scientifique française et chef des Harpies (...)

« Au contraire - avec le générateur du rayon Q, je peux contraindre le gouvernement de Sa Majesté à accepter mes conditions ! » (Simon Nero)

Agent aventureux, audacieux, en action... Le style est un mélange parfait entre les livres de Fleming et les films, servi par l'écriture inspirée de Jim Lawrence (« Plus féroce que les males, comme dit l'autre » ) et l'art de Yaroslav Horak. Action (l'attaque des Harpies, le combat entre Bond et Brunski, l'assaut sur l'usine de Nero), humour - « Notre job est de vous garder, monsieur - La fin du monde c'est le rayon de quelqu'un d'autre ! » - et Moneypenny sur le terrain, sont les ingrédients de cette aventure originale de notre espion favori.

Caroline Munro, oui, la Naomi du film L'Espion qui m'aimait en personne, présente cette édition de grande classe de The Spy who loved me/The Harpies (£12.99). En bonus, des articles et présentations des deux histoires par l'érudit Paul Simpson valent notre attention.

James Bond a disparu du côté du Montenegro. Voilà une belle occasion de se replonger dans le passé glorieux de l'Agent 007.

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/05/james-bond-is-back-in-action-again.html

mardi 29 avril 2008

HOLLYWOOD SUR GIRONDE

A Marcel LE BRUN

Entrepreneur hors-norme du cinéma français des années trente à cinquante, Emile Couzinet, bâtit dans le grand sud-ouest de la France, à Bordeaux, un empire intégrant dans une logique industrielle novatrice production, distribution et diffusion de ses propres films. Voici l'histoire du plus flamboyant rêveur du cinéma français.

« L'essentiel est de procurer de l'excitation aux spectateurs. Si cela signifie jouer Hamlet sur un trapèze volant ou dans un aquarium, faites le. » (Orson Welles)

MONSIEUR EMILE ET LE CINEMATOGRAPHE

« Je suis paysan, j'ai de la paille dans mes sabots, je ne cherche pas à remporter le prix du festival de Cannes mais à offrir aux travailleurs, à la ménagère, une distraction saine et facile pour le samedi soir. » (Emile Couzinet)

La formidable aventure d'Emile Couzinet, né en 1896 à Bourg sur Gironde, commence au début des années 1930 lorsqu'il se lance dans l'exploitation de salles de cinéma. Cet ancien projectionniste ambulant fait construire ou achète des salles dans tout Bordeaux quand il n'en est pas tout simplement aussi l'architecte et le designer. Il va même jusqu'à rivaliser avec deux importants exploitants bordelais d'alors, Bonneterre et Sédar, au point de rentrer avec eux dans une concurrence frontale que la presse locale appelera « la guerre des barrières ».

Couzinet veut atteindre tous les publics en proposant des salles qui respectent le spectateur et son confort. Grâce à cette impulsion Bordeaux devient rapidement la ville la mieux équipée de France mais cela ne suffit pas à Emile Couzinet, dont la logique entrepreneuriale se veut proche de celle qui anima Charlie Chaplin lors de la création de la compagnie United Artists.

« La réussite d'une production repose sur l'attention prêtée aux détails. » ( David O. Selznick)

En 1937 Couzinet décide de transformer les entrepôts et magasins du casino de Royan, établissement qui lui appartient, en plateaux de tournage. Les Studios de la Côte de beauté sont nés et leur patron veut y faire venir des réalisateurs confirmés tel que son ami René Pujol (Marinella, avec Tino Rossi).

UN HOMME ET SON RÊVE

« Dieu nous veut libre. Avec l'audace divine il nous a donné le pouvoir du choix. » (Cecil B. De Mille)

René Pujol ne collaborera finalement pas avec Emile Couzinet et le mogul du « Los Angeles du littoral atlantique », à la tête d'un petit empire de distribution et d'exploitation, choisit de porter aussi la casquette de réalisateur avec Le club des fadas, une comédie méridionale à la Marcel Pagnol (1938) dont les extérieurs sont tournés dans la région de Marseille. Il enchaîne avec L'Intrigante ou La belle bordelaise (1939), première production de la Burgus Films, sa compagnie de production, puis le drame régional Andorra ou Les hommes d'Airain (1941) qui s'avère être un gros succès commercial sur Bordeaux.

Le Brigand gentilhomme (1942), film de cape et d'épée burlesque produit dans les conditions particulières d'une époque qui ne l'était pas moins, est le dernier film de Burgus Films Production car les bombardements sur la ville de Royan en 1945 n'épargnent évidemment pas les studios d'Emile Couzinet.

Plutôt que d'investir des sommes astronomiques dans la reconstruction à l'identique de son site royannais, Couzinet fait le choix lucide de se redéployer sur son fief de Bordeaux.

MOVIOLA SAUCE BORDELAISE

« Il s'était donné pour tâche de trouver le Graal. » (Francis Scott Fitzgerald, Gatsby le Magnifique)

Emile Couzinet fait construire ses nouvelles infrastructures des Studios de la Côte d'Argent autour du château Tauzin, rue de Tauzin à Bordeaux et, en juillet 1946, démarre le tournage d'Hyménée, avec Gaby Morlay et Maurice Escande, d'après la pièce d'Edouard Bourdet - Couzinet aimant beaucoup le théâtre mais aussi l'opéra et les comédies musicales.

Les nouveaux studios sont à la pointe de la technique et la présence en leurs murs de Jimmy Berliet, ancien chef opérateur de René Clair témoigne au moins d'un souci de professionalisme à défaut d'un souci artistique. Néanmoins, Couzinet a le flair pour débusquer de nouveaux talents puisqu'il repère Robert Lamoureux (Le don d'Adèle, 1951) ou Daniel Sorano (Ce coquin d'Anatole, 1952). Pour l'anecdote, il fera tourner dans Mon curé champion du régiment (1956) un bon vivant comme lui, à savoir Jean Carmet alors à mi-chemin entre l'expérience et les grands rôles de sa carrière.

« On y rit... On ira ! » (Emile Couzinet)

Le cinéma populaire voire populiste de ce « spécialiste des films joyeux » auto-proclamé est littéralement et systématiquement exécuté par la critique, que Couzinet en retour traite avec désinvolture, même si il n'est pas anodin de se demander si cet entrepreneur se piquant d'art par la force des choses ne désirait pas secrètement une reconnaissance allant au-delà des entrées en salles. La fierté joviale de monsieur Couzinet lors de la visite au château Tauzin de Jean Renoir, invité à Bordeaux pour présenter Le testament du Docteur Cordelier, semble confirmer cette hypothèse.

LA DERNIERE SEANCE

« L'échec est sans importance. Il faut du courage pour passer pour un idiot. » (Charles Chaplin)

Les films d'Emile Couzinet avec leurs blagues de chambrée, leurs chansons à boire et un érotisme soft plutôt audacieux selon les critères moraux en vigueur alors (10 000 francs de plus et Miss Cinémonde montrait ses deux seins au lieu d'un seul dans Buridan, héros de la Tour de Nesle) ne survivront pas à l'évolution des goûts et des comportements du public français. Des difficultés financières et l'échec de Cesarin joue les étroits mousquetaires (...) en 1962 auront raison de Burgus Films et des studios. Emile Couzinet, lui, entend le grand clap de la vie deux ans plus tard à l'âge de 68 ans.

« Vraiment ? Le pire film que vous ayez jamais vu ? Et bien mon prochain sera meilleur. » (Edward D. Wood Jr.)

Si on a souvent baptisé Couzinet, « le Ed Wood français », Hollywood sur Gironde, le documentaire très réussi réalisé par Eric Michaud en 2003 (et co-produit par Grand Angle Productions pour France 3 et Ciné Classic), peut lui sans peine être comparé au Ed Wood de Tim Burton, tant il y règne le même respect du sujet et la même passion pour le Septième art. La voix du grand comédien Jacques Frantz à la narration et une superbe musique renforce l'aspect hollywoodien de cet hommage justifié à un individu hors du commun, un homme d'une grande volonté et d'une grande foi en lui-même et en ses capacités.

Ce prétendu « roi du cinéma ringard » fut en fait un homme qui voulut certes être roi, mais roi d'un royaume de cinéma. Un homme de l'étoffe dont les rêves sont faits.

CHICAGO BLUES

Florence est soucieuse. Âgée et en mauvaise santé, Matheline, la mère de Hugues - son mari, doit venir s'installer chez eux. La situation n'est que provisoire. Eliott, l'enfant du couple, le sait bien, lui : Matheline doit aller rejoindre son époux, Gaspard, à Chicago, où il est parti il y a quelques années « parce qu'il était très fatigué ».

« Pour faire un bon film, il faut trois choses : 1° Une bonne histoire, 2° Une bonne histoire, 3° Une bonne histoire. » (Jean Gabin)

C'est l'histoire d'un premier film. C'est l'histoire d'un réalisateur qui n'a pas 150millions de dollars américains de budget et qui ne filme pas une partie de poker de 2h25 où même un défibrilateur ne suffit pas à réveiller le spectateur. C'est l'histoire d'une famille et d'un voyage à Chicago...

En moins de 15 minutes Sylvain Dardenne rappelle ce que le cinéma devrait toujours être : une bonne histoire, bien filmée, bien jouée, avec une magnifique musique en fond sonore - il y a même des effets spéciaux. La piqûre de rappel se nomme Chicago Blues.


LE VOYAGE A CHICAGO

« Chicago, Chicago that toddling town
Chicago, Chicago I'll show you around - I love it »
(Frank Sinatra, Chicago)


« En septembre 2004, j'ai eu la chance de rencontrer Eric Legrand, par l'intermédiaire d'un ami commun » nous raconte Sylvain Dardenne. «On s'est tout de suite bien entendu, et à l'issue de cette rencontre, nous avons décidé de tourner un court-métrage ensemble. Restait à trouver l'idée. » Eric Legrand, acteur complet et professionnel consommé (formé par le grand Jean-Laurent Cochet), par ailleurs une des dix voix les plus populaires du doublage français (http://www.objectif-cinema.com/article.php3?id_article=4557), interprète Hugues, le père de famille. Trop longtemps le cinéma s'est privé du talent de ce comédien dont la haute idée de ce que doit être son Art n'a d'égale que son esprit et sa sensibilité.

Sylvain Dardenne écrit une ébauche, puis rédige le scénario, puis le réécrit : « J'avais envie de travailler sur un thème en intégrant un peu de fantastique au film. Est venue alors l'idée de la mort, que l'on raconte parfois aux enfants en terme de départ pour un lointain voyage. Et si c'était une légende familiale ? Et si effectivement, on partait ? Si certaines choses passaient d'un monde à l'autre » ? L'idée du film était née. Restait à la mettre en forme, à choisir une destination. » Eric Legrand, très présent durant le montage du projet jusqu'à la post-production, réécrit la majeure partie des dialogues.

« Mais c'est loin Chicago. » (Matheline)

« Souvent on me demande pourquoi Chicago ? ». J'aimais bien l'idée d'un « paradis » qui soit une ville fantôme, américaine. En effet, beaucoup de gens pensent tout de suite à des pays bien plus exotiques, à Katmandou ou je ne sais quelle destination...» explique l'auteur et réalisateur. « Jamais aux États-Unis, qui ont pourtant été (et sont encore) la terre promise pour de nombreuses générations... » Dans la famille de Hugues les aînés s'en vont à Chicago lorsqu'ils sont « trop fatigués. « Cela pouvait s'inscrire dans le cadre d'une légende familiale, ancrée depuis au moins 200 ans... ». Après son mari Gaspard, parti bien des années auparavant, Matheline, la grand-mère, est prête à son tour pour ce grand et long voyage.

CHICAGO BLUES BAND

« On est un peu préoccupé en ce moment, maman et moi. » (Hugues)

« Eric connaît très bien Céline Monsarrat, qui, notamment écrit et joue des pièces de théâtre. Nous nous sommes donc rencontrés au théâtre, et elle a bien voulu tourner le film avec nous. » Chicago Blues s'ouvre sur le regard de cette comédienne, dramaturge, artiste en doublage très appréciée, qui met ici toute la finesse de son jeu au service du personnage de Florence, la mère de famille. « Je te rappelle que c'est ta mère, quand même... » s'indigne Florence devant l'apparente sérénité de Hugues. « C'est affreux mais plus tu restes calme plus je m'angoisse, plus je culpabilise de pas savoir prendre du recul » poursuit-elle. « C'est terrible, c'est comme si on n'en avait jamais parlé » dit Hugues , qui sait depuis longtemps ce que le voyage à Chicago représente pour sa mère.

« Grâce à Éric et Céline, j'ai également pu rencontrer Lucie Dolène, qui a très gentiment rejoint l'aventure dans le rôle de la grand-mère, ainsi que Fabrice Josso, le grand-père. » Lucie Dolène, chanteuse, comédienne et voix bien connue des Disneyphiles comme des télespectateurs de Top Models/Amour gloire et beauté, complète admirablement la distribution. Fabrice Josso fait une apparition, presque en forme de clin d'œil, à la fin du film, ravi et amusé d'avoir joué le grand-père alors qu'il n'a pas encore atteint la quarantaine.

« C'est pour ça que je vais partir à Chicago, moi aussi. Pour me reposer. » (Matheline)

« ...c'est mon assistant, Romain Sandère, qui m'a fait découvrir Chloé Stefani, qui joue le rôle de la baby sitter. Restait à trouver l'enfant. On a organisé un casting, au cours duquel ont été auditionnés une petite dizaine d'enfants et Max s'est tout naturellement démarqué. Il est aussi professionnel que ses « collègues » adultes, ce qui était étonnant pour un enfant de 7 ans. » Max Renaudin est touchant d'authenticité dans le rôle d'Eliott, le fils de Florence et Hugues (« Elle n'est pas contente que Mamy vienne nous voir ? »)

« Mamy m'a dit qu'elle allait bientôt partir. » (Eliott)

NANTERRE-CHICAGO, COMBIEN D'HEURES DE VOL ?

« Qu'est-ce que c'est que ces salades ? » (Florence)

« ...je m'occupais de créer l'équipe technique, bien aidé en cela par Romain. C'est ainsi qu'il m'a fait rencontrer Ludivine [Ludivine Renard, NDA], la cadreuse, qui a également précieusement collaboré au story board. Le reste de l'équipe s'est monté assez rapidement, par connaissances et relations diverses. Enfin, restait la question de la musique, qui est pour moi très importante. J'ai pu rencontrer Régis Reuilhac, qui a accepté de la composer. » Régis Reuilhac, compositeur et comédien, qui livre là une sublime musique originale, digne d'un James Newton Howard, Howard Shore ou John Ottman.

« Régis, le musicien, était venu s'imprégner de l'ambiance sur le tournage et il a composé le magnifique thème du film assez rapidement. Il a ensuite continué à composer sur les images une fois montées. J'ai un très bon souvenir d'une journée passée ensemble dans son studio à travailler sur la mise en musique des images. » Si Dardenne nous rappelle ce que devrait être un film, Reuilhac nous offre un formidable retour aux fondamentaux de la musique de film, loin des compilations truffées de Special Products ou de la « synthèse » à la Media Ventures.

« Du point de vue technique, le film a été tourné avec peu de moyens. Les comédiens et les techniciens ont joué le jeu et n'ont pas demandé de cachet. Ils ont seulement été défrayés de leurs frais de nourriture, d'hébergement et de transport. Le film a été entièrement tourné en vidéo, à l'aide de matériel auquel j'ai eu gracieusement accès, avec toutefois un peu de machinerie « faite maison » comme un travelling, ou une grue. » Dans cette perspective, le défi le plus extraordinaire que Sylvain Dardenne doit relever au cours du tournage de son premier film est la concrétisation de l'idée principale du scénario : « Beaucoup de grandes villes américaines sont immédiatement identifiables sur des photos. On a tous en tête des images et des monuments de New York, Los Angeles, San Francisco, Miami,... On connaît également tous Chicago, mais qui saurait décrire cette ville ? C'était donc une destination à la fois connue, et inconnue... Apte à représenter la route pour la grand-mère, Matheline... »

L'auteur de cet article s'y est laissé prendre, et a demandé au comédien principal de Chicago Blues si la séquence finale du court-métrage avait bien été tournée à Chicago, pour le plus grand amusement (justifié) d'Eric Legrand. Sylvain Dardenne explique ce qu'il faut bien qualifier de tour de force : « Le tournage a eu lieu en 6 jours, en juillet 2005, essentiellement sur Reims et sa région, à part la séquence finale qui a été tournée... à Nanterre et non à Chicago. Le dimanche, ce quartier d'affaires est désert, ce qui colle bien à l'idée de ville « fantôme ». Un mate-painting, et l'affaire était faite, nous étions à Chicago ! »

SWEET OLD CHICAGO

« Tu sais que j'ai pris mon billet pour Chicago, je vais aller retrouver ton père. Tu as quelque chose à lui dire ? » (Matheline)

« Seul un jour de tournage nous a posé problème. Les soucis techniques se sont enchaînés, nous imposant de terminer à une heure du matin, et de reprendre le lendemain dès 7 heures ! Dans la séquence du repas du soir, on a donc été obligé de tourner les champs des parents le soir, sans Max qui était parti se coucher depuis longtemps. C'est un technicien qui donnait la réplique à Céline et Éric. Le contre-champ sur Max n'a été tourné que le lendemain matin ! »

Dardenne sait traduire visuellement le climat intimiste et l'ambiance poétique du scénario du film : « Nous avons eu la chance de tourner par beau temps, ce qui était bien plus agréable d'une part, et d'autre part qui collait à l'ambiance du film. En effet, le sujet est grave mais je ne voulais pas le traiter de manière triste. Je désirais un film coloré et lumineux, contrasté, saturé. La mise en lumière prenait cela en compte et la météo nous y a aidé pour les extérieurs. » Parfois même ce jeune réalisateur s'offre des incursions dans le fantastique. L'air de la cité des vents lui réussit plutôt bien, même à plusieurs milliers de kilomètres de distance. « L'ambiance de tournage a été très conviviale, l'équipe entière s'est démenée, toujours très professionnelle, pour mener le projet à bien. Je garde un excellent souvenir du tournage. »

Sylvain Dardenne est passionné de cinéma et fait preuve d'une étonnante maîtrise de tous les aspects d'un tournage. « La post-production a ensuite été aussitôt entamée. On a commencé par travailler sur le montage, en parallèle avec la musique. Il restait encore une post-synchronisation à faire, celle de la séquence dans la voiture. » Il obtient l'assistance d'une société de post-production et de doublage bien connue des voxophiles : « Il nous fallait trouver un studio avec ingénieur du son, cela nous a pris un peu de temps mais nous avons pu enfin enregistrer la fameuse séquence chez Synchro-France, avec l'aide de Cécile Tixier, en janvier 2006. Le film a donc été finalisé en mars 2006. »

Chicago Blues est le Stephen Tobolowsky's Birthday Party (un film de Robert Brinkmann) du court-métrage, une véritable bouffée d'oxygène, celle du retour à la primauté de l'histoire. De celle qui fait la force d'un cinéma comme le cinéma indépendant américain ou l'originalité d'un certain cinéma britannique.

1° Une bonne histoire 2° Une bonne histoire 3° Une bonne histoire. Une bonne histoire servie par de bons acteurs, un bon réalisateur à suivre de près, une musique à l'aune de la qualité du film. Et puis nous avons tous de la famille à Chicago...

lundi 28 avril 2008

CHOSES APPRISES EN REGARDANT DIE HARD 4

- Aux Etats-Unis n'importe quel réseau informatique est piratable.
- Quand le méchant n'est pas britannique ou français, ses hommes de main se doivent d'être au minimum hispaniques ou asiatiques...
- John McClane est pour l'égalité des sexes: il donne des raclées aux hommes comme aux femmes.
- Lorsqu'on est coinçé dans un tunnel et qu'un hélicoptère vous menace à sa sortie il peut être utile d'avoir loué Le Clown - Le film au club vidéo la veille.
- En matière de distribution électrique, le service public, y a que ça de vrai.
- McClane ne joue pas au poker et ne boit pas de vodka-martini. Qu'il en soit remercié.
- John McClane fait en 130 minutes ce que Jack Bauer fait en 24 heures chrono. La CTU devrait engager McClane.

SEXE INTENTIONS (CRUEL INTENTIONS)

Kathryn Merteuil (Sarah Michelle Gellar) et Sebastian Valmont (Ryan Philippe) sont jeunes, riches et séduisants. Le père de l'un a épousé la mère de l'autre et ils leur ont laissé de facto l'immeuble familial. L'ex-petit ami de Kathryn, Court vient de l'abandonner pour la naïve Cecile Caldwell (Selma Blair), aussi Kathryn aimerait-elle que le libertin Sebastian séduise la jeune fille.

Mais Sebastian est plus inspiré par la belle Annette Hargrove (Reese Witherspoon), qui vient de proclamer sa virginité militante dans un magazine. Kathryn fait un pari avec lui : si Annette succombe à son absence de sens moral, Kathryn s'offrira à lui. S'il échoue il devra lui donner son superbe roadster Jaguar.

« Il m'est venu une excellente idée, et je veux bien vous en confier l'exécution. » (Lettre de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont, Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses)

NOT ANOTHER TEEN MOVIE (1)

C'est au début de l'année 1998 que le producteur américain Neal H. Moritz (Souviens toi l'été dernier, Urban Legend), à la pointe de cette vague de films commerciaux pour adolescents initiée deux ans plutôt par Scream, démarre la production de Cruel Intentions pour Columbia Pictures. Adapté du roman épistolaire de Choderlos de Laclos écrit en 1782, le film se démarque d'emblée des précédentes adaptations cinématographiques de l'oeuvre en transposant les manipulations et les tourments des cœurs et des âmes des protagonistes dans le New York et le Connecticut de la fin du XXème siècle.

Ôter aux personnages leurs perruques, leurs maquillages et leurs costumes d'époque n'est pas une idée originale. Roger Vadim l'avait fait en 1959 avec son adaptation des Liaisons. Non, le trait de génie de Moritz est de confier en 1999 à un autre Roger, l'auteur de théâtre et scénariste Roger Kumble, le scénario et la réalisation de cette nouvelle version.

Ce satiriste des mœurs hollywoodiennes dans ses pièces est un ami et précieux collaborateur des frères Farrelly, pour lesquels il a participé à l'écriture des scripts de Dumb & Dumber (1994) et de Mary à tout prix (1998). Avec Cruel Intentions, il a enfin l'occasion d'illustrer à la réalisation les situations grinçantes qu'il affectionne et va tirer parti d'un casting aux allures de plan marketing pour servir les intérêts de ce Pari cruel [titre québécois de Cruel Intentions, NDA] plus ambitieux qu'il n'y paraît.(2)

« C'est la journée des sales cons chez les Valmont ou quoi ?
- Figure toi que je prends la pauvre petite sous mon aile.» (Sebastian Valmont et Kathryn Mertueil)


LE PARI

Comment écrire et réaliser une adaptation en prise avec son époque d'un classique de la littérature - que certains pourraient considérer comme hermétique - avec une distribution principale qui, à l'exception de Ryan Philippe (Studio 54) et de Reese Witherspoon (Pleasantville), a l'air de sortir tout droit du dernier numéro de TV Guide. Sarah Michelle Gellar est à l'époque universellement connue comme tueuse de vampires, Selma Blair vient d'une sitcom (Zoé, Duncan, Jack et Jane) et Joshua Jackson est le sympathique Pacey Witter de la série Dawson.

Mais les jeunes acteurs (tant sur le plan de l'âge que de leurs carrières, même Witherspoon et Philippe n'en sont encore qu'au début de la leur) ont l'intelligence de saisir l'opportunité qui leur est donnée, celle d'incarner ces tricheurs des âmes et des sentiments que sont les personnages tels que décrits par la plume acérée et habile de Roger Kumble. Et Kumble sait écrire autant avec un clavier qu'une caméra comme le démontre le générique du film - illustré par le tube Every You Every Me du groupe Placebo, avec son cimetière que longe Sebastian sur l'autoroute et qui se révèle progressivement, par petites touches, au spectateur avec l'effet d'un tableau impressionniste.

La première scène du film est sa carte de visite, le type même de l'extrait pour feu La Séquence du spectateur : Sebastian Valmont est chez le docteur Regina Greenbaum (Swoozie Kurtz, divine comme d'habitude), gourou a succès qui a énormément de peine à dissimuler tout le mépris qu'elle éprouve pour son jeune client (« Penser à facturer livre »).

« Merci pour tout.
- (Abruti...) » (Sebastian et sa psy)


Il la quitte après un délicieux numéro de séducteur addictif repenti très « politiquement correct » lorsque la fille de la thérapeute (Tara Reid) téléphone en pleurs à sa mère pour lui annoncer qu'après l'avoir séduite, Valmont a répandu des photos d'elle nue sur internet.

La psychanalyste sort de son bureau folle de rage et injurie Sebastian depuis l'étage, tandis que le jeune homme, dans le hall, fait une nouvelle conquête en feignant la surprise face aux insultes (« Je crois qu'elle aurait besoin de voir un psy ») . La scène a beau être d'une ironie venimeuse à souhait, elle est développée de telle manière que les spectateurs ne peuvent que s'associer à la jubilation discrète et sournoise de Valmont.

Ryan Philippe prouve là qu'il n'est point besoin d'être dans la peau du grand John Malkovich pour endosser la psychologie du personnage.

LE JEU DE L'AMOUR MOINS LE HASARD

« Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ? » (Marivaux)

Avant d'être Buffy, la tueuse de vampires, Sarah Michelle Gellar fut la pestissime Kendall Hart dans le soap opera La Force du destin (All my children), ce qui est tout de même une très bonne qualification pour interpréter Kathryn Merteuil. Kathryn est la représentante des élèves de la très huppée préparatoire de Manchester et proclame s'adresser à Dieu, crucifix en main (« ... je sais que cela fait vieux jeu. »), chaque fois qu'elle est sur le chemin de la tentation. Quel meilleur choix pourrait s'offrir à la si bourgeoise Bunny Caldwell (Christine Baranski), mère de la jeune Cécile, lorsqu'elle cherche un ange gardien pour sa fille.

Mais la véritable croix que porte Kathryn n'est pas celle qu'elle porte autour du cou, le crucifix ne sert que de réceptacle à sa consommation quotidienne de cocaïne. Non, son fardeau c'est l'inadéquation entre ses désirs et pulsions et la façade qu'elle doit entretenir eu égard à sa place dans la société.

« Tu crois que j'apprécie le fait d'avoir à jouer les Pocahontas 7 jours sur 7 pour être considérée comme une lady ? Je suis Lassie chienne en chaleur dans la Haute société, et parfois je veux me flinguer. »(3)

Cette contradiction intérieure fait qu'elle supporte encore plus mal que Court Reynolds (Charlie O'Connell, dans un flashback grimaçant) l'ait rejetée pour l'innocente Cecile et elle décide d'être la dramaturge de ses propres frustrations. Elle se promet à Valmont à charge pour Sebastian de ternir les images sociales de Cecile et d'Annette en ce qu'elles ont de plus intime, virginité de fait pour l'une, virginité revendiquée de l'autre.

Roger Kumble, aussi roué que son duo aristocratique d'incarnations humaines des siamois de La Belle et le clochard (en plus vicieux), décide alors de plaquer la question raciale sur cette question sociale avec le personnage afro-américain de Ronald Clifford (Sean Patrick Thomas), le maître de musique amoureux de Cecile Caldwell.

« Elle est si jeune et lui si...
- ...noir!» (Kathryn et Bunny)


Mais Ronald n'endossera que tardivement le statut d'Othello du petit théâtre des apparences de Kumble. Tous les pions de Kathryn Merteuil et Sebastian Valmont sont égaux, même si certains seront plus victimes que d'autres.

« Je vous ai tiré du ruisseau.
- Comment ça, tiré du ruisseau ? J'ai un appart sur Central Park.» (Bunny et Ronald)


LE JOURNAL DE DORIAN GRAY

Les dialogues écrits par Roger Kumble font mouche à tout coup (« Les e-mails c'est pour les boutonneux et les pédophiles. ») dans ce jeu de manipulation sociale et mentale dont le grand perdant sera comme il se doit, canons de la nouvelle oblige, un Sebastian Valmont pris en tenaille entre son pari d'un côté et le piège des sentiments de l'autre. Tel un Dorian Gray inversé, le dandy moderne superbement campé par Ryan Philippe se vautre dans le cynisme (« J'en ai assez de coucher avec des oies de bonne famille new yorkaise. Plus rien ne les choque ! ») tandis que sa sensibilité explose dans les pages composites de ce journal intime dont il n'est prêt à se séparer que pour révéler sa véritable nature à Annette Hargrove.

« Tu n'es qu'un jouet, Sebastian, un peit joujou entre mes mains expertes. » (Kathryn)

L'escalade des marivaudages teintés d'un érotisme d'une sophistication plus cérébrale que soft (la fameuse scène du baiser entre Kathryn et Cecile), l'hypocrisie consubstantielle à une aristocratie phantasmée et les trahisons conduisent les dramatis personae de Laclos tels que sublimés par le marionettiste Kumble à faire face à leurs responsabilités, contraints ou non. La catastrophe annonçée par le générique de début se materialise enfin dans un climax shakespearien en diable avec Kathryn en Iago et Cecile en Desdemona.

« On se verra sur le campus.
- Je m'en réjouis d'avance... Pétasse ! »
(Annette et Kathryn)

CAMPUS SHOW

« On a l'air d'une série télé supprimée » (Sebastian, Cruel Intentions 2)

Roger Kumble boucle son adaptation très personnelle et très réussie des Liaisons dangereuses sur l'autoroute du générique d'ouverture. Cruel Intentions mérite tout autant que ses illustres devanciers le statut de classique : faux film pour ado mais vrai psychodrame acide servi par une surprenante éclosion de jeunes talents (certes pas toujours confirmés la suite) ainsi qu'une réelle vision esthétique du réalisateur et de son directeur de la photographie, Theo van de Sande. Le néerlandais sait donner une texture européenne aux décors très américains d'une histoire qui a toujours plus fasciné les anglo-saxons que son continent d'origine.

Le Pari cruel de Roger Kumble étant commercialement rentable en salles et hors des salles, les décideurs du réseau américain de télévision Fox ont l'idée de commander au réalisateur et scénariste du film original une préquelle sous forme de feuilleton télévisé livrable pour une diffusion en septembre 1999. Le casting du film est bien sûr absent du projet : Robin Dunne interprète Sebastian Valmont et Amy Adams est Kathryn Merteuil.

Le pilote de Manchester Prep ainsi que deux épisodes sont tournés lorsqu'un exécutif du réseau Fox est choqué en apprenant qu'un des épisodes contient une scène ou un personnage féminin a un orgasme sur un cheval. Le feuilleton passe à la trappe avant même d'être diffusé à la télévision américaine.

Kumble, la production et le distributeur Columbia remontent alors le materiel disponible pour une sortie en vidéo sous le titre Cruel Intentions 2. Ce téléfilm-compilation a été diffusé en France sur TF1 et ne mérite pas sa mauvaise réputation, le talent et le style de Roger Kumble s'adaptant assez bien a un autre support que le grand écran. En revanche le réalisateur, scénariste et producteur n'a pas été impliqué dans Cruel Intentions 3, tourné en 2004 à destination du florissant marché du dvd, avec une distribution et des personnages complètements différents.

« Cause it's a bittersweet symphony, this life »(The Verve)

(1) Pas encore un film d’ados, pour reprendre le titre québécois d’une comédie parodique de 2001… produite par Moritz.
(2) De ce point de vue le titre français du film n’a guère arrangé les choses.
(3) « Do you think that I relish the fact that I have to act like Mary Sunshine 24-7 so I can be considered a lady? I'm the Marcia fucking Brady of the upper east side, and sometimes I want to kill myself.» Ici réadapté en français par l’auteur de cet article.

JACQUOU LE CROQUANT

1815, Jacquou Féral, neuf ans, vit dans la forêt périgourdine avec ses parents. Son père, ancien soldat de Napoléon et métayer du très arrogant comte de Nansac, est condamné pour le meurtre du régisseur des terres de ce dernier, puis sa mère meurt de chagrin et de maladie. Seul dans une région froide et hostile bouleversée par les soubresauts de l'Histoire, il est prêt à se laisser mourir par désespoir. Mais il est recueilli par le curé Bonal et sauvé par Le chevalier. Jacquou grandit sous leur protection et mûrit sa vengeance.

« L'impression que me donne le fait de tourner un film est à chaque fois la même. Il y a là un phénomène extraordinairement suggéré d'intemporalité. » (Stanley Kubrick pour le New York Times, 1987)

LA BALLADE DES FAITS CONDUCTEURS

La biographie de Laurent Boutonnat, réalisateur, compositeur, pygmalion de Mylène Farmer - l'artiste la plus intéressante et la plus créative de la chanson francophone de ces 25 dernières années, homme aux multiples talents et bien plus encore, relève quasiment de la mythologie populaire aussi point n'est besoin de réécrire des chapitres mille fois explorés en d'autres lieux.

Laurent Boutonnat réalise son premier film en 1980, Ballade de la Féconductrice, exploité durant deux semaines dans un cinéma parisien mais doit attendre six ans avant de tutoyer le génie avec un film. Lui qui rêve de cinéma voit ses images rentrer directement dans la grande Histoire, mais pas celle du Septième art, celle d'un moyen d'expression artistique récent qui s'appelle le clip musical.

« Parmi les jeunes metteurs en scène américains je ne vois guère que Kubrick » (Orson Welles)

1986, la France négocie bien mal sa fin de siècle, coinçée entre le phantasme du règne de l'Empire du Soleil Levant et les sirènes du libéralisme reaganien ; elle se cherche culturellement et le vent de transgression intellectuelle et artistique qui a soufflé les premières années de la décennie n'est plus que le vague souvenir d'un courant d'air passant sous la porte fermée de la rigueur (à part peut-être sur l'ilôt Canal Plus).

Libertine ne se contente pas d'illustrer en images la chanson de Mylène Farmer, c'est un véritable film de 11 minutes avec de somptueux décors et costumes historiques, une véritable bande originale, des figurants et bien d'autres ingrédients dignes d'une super-production. Laurent Boutonnat se fait son petit Barry Lyndon avec Farmer dans le rôle principal.

Bien plus que la scène du bain ou la scène érotique - audacieuse selon les critères moraux de l'époque, surtout pour le petit écran - où Boutonnat sublime la présence et les charmes de la chanteuse, on retiendra le duel d'ouverture et surtout un « catfight » d'anthologie entre Libertine (Farmer) et sa rivale (Sophie Tellier) devant des nobles emperruqués, poudrés et médusés.

POINT OF (GIORGI)NO RETURN

Que l'on soit réceptif ou pas aux textes et aux interprétations de Mylène Farmer, le résultat est saisissant : Laurent Boutonnat offre aux télespectateurs de la chaîne musicale hertzienne de l'époque un mini-blockbuster aux allures « hollywoodo-pinewoodiennes » en plein milieu de l'après-midi. Le clip est diffusé et rediffusé régulièrement à un moment où les cinéphiles ne trouvent pas encore de vidéocassettes dans les hypermarchés. Stanley Kubrick est dans le salon et Mylène Farmer est la somptueuse prêtresse d'un culte visuel à sa gloire - le reste n'est que trivialité.

« 18 août 1857. Un détachement de Sa très gracieuse Majesté le roi George II, commandé par le vaillant capitaine Alec Parker, débarque aux Pays-Bas et pénètre en Prusse... » (Le Narrateur, Pourvu qu'elles soient douces)

Aidé de son égérie, Boutonnat persiste dans ce medium avec Tristana (1986), où il revisite Blanche-Neige façon Docteur Jivago (avec Sophie Tellier en méchante tsarine très Hammer Films), Sans contrefaçon (1987) - magnifié par la présence de Zouc dans un clip qui évoque ou rappelle Pinocchio et Freaks (1932), et se paye le luxe d'offrir une suite à Libertine avec Pourvu qu'elles soient douces (Libertine II, 1988) avec les mêmes standards élevés de production que l'opus précédent.

Il apparaît alors évident que Boutonnat veut repousser les deux barres noires, haute et basse, du petit écran, au profit d'un écran plus large. Il n'est pas un clippeur qui veut faire du cinéma, c'est un cinéaste qui fait des clips et veut s'exprimer sur un terrain qui devrait être naturellement le sien. Ses ambitions de réalisateur se concrétisent en 1994, avec le long métrage Giorgino, rétrospectivement faux film maudit et vrai chef d'œuvre.

Film extrêmement sombre et véritable compilation des figures imposées de l'univers de Laurent Boutonnat dans une atmosphère où chaque plan est survolé par l'ombre de Kubrick, Giorgino ne séduit pas le public qui préfère l'optimisme rassurant d'œuvres comme Forrest Gump. Sans parler des préjugés dont font alors l'objet Mylène Farmer, interprète du rôle féminin principal (le fait que le rôle-titre soit joué par le guitariste de la chanteuse semble aggraver les choses) - qui n'est pas encore l'artiste « mainstream » qu'elle est aujourd'hui - ainsi que le réalisateur.

LE PUITS ET LE PENDULE

Si l'on admet aujourd'hui et parfois depuis longtemps que des réalisateurs de spots publicitaires ou de clips peuvent passer à la réalisation cinématographique, Boutonnat a été pendant longtemps le seul à se voir dénier intellectuellement cette possibilité. Blessé par l'échec commercial de Giorgino, Boutonnat rachète les droits du film sans heureusement pouvoir empêcher une diffusion prévue par Canal Plus. Humilié, son moral d'artiste au fond du puits, le cinéaste s'efface au profit de ses autres « casquettes » : producteur, homme d'affaires et partenaire artistique de Mylène Farmer (après avoir été aussi son partenaire tout court).

« Je n'ai rien perdu. » (Matt Murdock, Born Again, Frank Miller & David Mazzucchelli)

Jacquou le Croquant c'est d'abord bien sûr le roman d'Eugène Leroy (1836-1907), publié en feuilleton dans La Revue de Paris sous le titre La Forêt Barade en 1899, avant d'être republié l'année suivante sous la forme qu'on lui connaît. C'est ensuite le célèbre voire culte feuilleton en six épisodes de l'ORTF réalisé en 1969 par Stellio Lorenzi. C'est en le revoyant il y a cinq ans puis en relisant le roman de Leroy que Laurent Boutonnat se dit que l'histoire ferait un excellent film : « une enfance malheureuse marquée par la perte d'êtres chers, la solitude heureusement brisée par de belles rencontres, la promesse de vengeance, puis, à l'âge adulte, l'amour et l'amitié, la juste revanche contre l'injustice, l'accomplissement d'un destin romanesque... et aussi les champs, la campagne, la nature ».

Boutonnat va chez Pathé voir Richard Pezet, avec qui il avait travaillé sur Giorgino, et lui soumet un premier traitement - rédigé conjointement avec Frank Moisnard. Pezet donne son feu vert et Laurent Boutonnat met en place le projet avec Romain Le Grand et Dominique Boutonnat, son frère. En ce début 2005 le pendule balance de nouveau vers le cinéaste.

LA LEGENDE RENAIT

Laurent Boutonnat filme en Roumanie (dans la région des Carpates) et en Dordogne, sur les lieux même de l'histoire, une distribution plutôt originale pour une grosse production française : le jeune Léo Legrand est extraordinaire dans le rôle de Jacquou enfant et Gaspard Ulliel apporte une touche de modernité à la figure feuilletonesque de Jacquou adulte. Jocelyn Quivrin est impressionnant dans le rôle du sinistre Comte de Lansac; vieilli (il est né en 1979) il rappelle physiquement Daniel Day-Lewis dans Gangs of New York et partage alors une étrange ressemblance avec Boutonnat lui-même (s'il y a beaucoup du réalisateur dans Jacquou peut-être se reconnaît-il un peu en le comte ?)

« Tout ça est si loin, et ces bêtes sont teigneuses. » (Le Comte de Nansac, de bonne humeur)

Tchéky Karyo, touchant en chevalier, réussit à nous faire oublier sa période « frenchie de service » à Hollywood et Olivier Gourmet (le curé Bonal) rappelle Louis Seigner dans Les Misérables (1982). Albert Dupontel, fidèle de Laurent Boutonnat, est surprenant dans le rôle du père de Jacquou. Hormis Dora Doll (Fantille) le casting féminin semble parfois un peu « effaçé » : l'actrice québécoise Marie-Josée Croze (Les Invasions barbares, Munich) a l'air parfois un peu perdue dans un genre que les habitants de la Belle Province, nourris à des classiques tels Un homme et son péché, connaissent pourtant bien. Mais la première moitié du film - dont le sort de son personnage - est tellement prenante qu'elle contribue à nous donner la larme à l'œil.

La nouvelle venue Judith Davis (Lina) est charmante mais sa présence est éclipsée par celle de la débutante Bojana Panic, mannequin serbe dont c'est le premier film, et qui interprète le très « farmerien » personnage de La Galiote, fille du comte de Nansac.

J COMME VENDETTA

«Vous m'avez enlevé à mes parents, fait tuer mon frère par le FBI, et maintenant vous voulez tuer ma famille. Mais qu'est-ce que je vous ai fait ?
- Vous existez ! » (Jarod et Monsieur Raines, Le Caméléon)


Jacquou le Croquant version 2007 est clairement « vendu » par son distributeur comme un film d'aventures mais c'est beaucoup plus que ça. Laurent Boutonnat nous offre un grand film d'aventures romanesque et populaire sans céder une once de son sens et de sa sensibilité artistiques, bien au contraire. La photographie de Olivier Cocaul est superbe, les décors de Christian Marti sont très réussis et la magnifique musique, composée comme il se doit par Laurent Boutonnat lui-même - comme ce fut le cas avec Giorgino, est dirigée par le grand Nic Raine (que les fans de John Barry connaissent bien) et interprétée par l'Orchestre philarmonique de Prague.

Boutonnat poursuit à la fois sa quête esthétique et cinématographique amorçée il y a vingt ans, filme ses paysages comme si sa caméra caressait des ailes entières de tableaux du Louvre ou du Musée d'Orsay et se permet consciemment ou non des incursions dans des territoires inédits pour lui, tels que l'humour, le western (lorsque Jacquou défie le comte à la danse), où encore le film de super-héros façon Batman begins. Dans le puits Gaspard Ulliel ressemble à Christian Bale et lorsqu'il en sort, dans une salle d'armes du château de Nansac, l'endroit fait furieusement penser à la Batcave.

Mieux, le sous-texte politique et social du film a des échos ravageurs alors que le film sort en France en pleine période de campagne électorale. La vendetta de Jacquou n'a rien à envier à celle de « V » et Laurent Boutonnat a ses rêves de cinéma devant soi, comme le titre de la très belle chanson du générique de fin interprétée par Mylène Farmer.

Un film de genre à gros budget doté de qualités artistiques et cinématographiques. N'attendons pas qu'Hollywood fasse une offre à Laurent Boutonnat pour reconnaître ce qu'il est. Lors de la parution initiale de cet article nous souhaitions que le réalisateur accepte enfin de libérer Giorgino de ses mauvais souvenirs pour le sortir en DVD dans la foulée de Jacquou. Il l'a fait, qu'il en soit remercié.

mercredi 23 avril 2008

HISTOIRES DE TOURNAGES

Journaliste de cinéma, cinéphile et spécialiste émérite du cinéma de genre, Philippe Lombard est l'auteur de divers livres, tel un excellent ouvrage sur La Panthère Rose.

Il a désormais un blog, Histoires de tournages. On trouve sur ce blog de référence ses articles publiés autrefois en presse, édition ou DVD, ainsi que des textes inédits.

« Cinéphile et journaliste, j’associe les deux depuis déjà longtemps et mon grand plaisir est de raconter les coulisses de films célèbres. Ici point d’« analyse filmique » donc, mais simplement des histoires ». Zorro (version Delon), OSS 117, On l'appelle Trinita ou Le Professionnel sont quelques uns des films évoqués par Philippe Lombard avec le talent, la culture et la passion qui le caractérisent depuis longtemps.

REMO SANS ARME ET DANGEREUX

Samuel Edward Makin, un policier de New York au volant de sa voiture de patrouille, est poussé par un camion blindé dans l'East River après une intervention. Laissé pour mort, il se réveille dans une chambre d'hôpital où un agent secret cynique lui explique qu'il a été désigné pour devenir la force d'exécution d'un service très spécial. Entre les mains de Chiun, un coréen mystérieux maître dans l'art martial du Sinanju, il devient Remo Williams et travaille sous les ordres du docteur Smith, le chef de l'organisation CORE.

Ce résumé vous ment ! La pellicule susnommée raconte comment moi, Chiun, flamboyant et avisé maître de la glorieuse maison de Sinanju, a consenti à transformer un pâle morceau d'oreille de cochon nourri aux hamburgers en un assassin à peu près présentable. Avec une tolérance modérée à votre égard, je demeure à jamais Chiun, Maître régnant de Sinanju.

IMPLACABLEMENT VÔTRE

Héros de romans populaires avant d'être celui d'un seul film, le personnage de Remo Williams naît en 1963 de l'imagination de Richard Sapir et Warren Murphy (http://thierryattard.blogspot.com/2008/05/warren-murphy.html). Publié seulement en 1971 chez l'éditeur new-yorkais Pinnacle Books, le premier opus de L'Implacable (The Destroyer) suit les traces d'un autre héros d'une série de la maison, Mack Bolan alias L'Exécuteur (The Executioner), créé trois ans auparavant par Don Pendleton.

Williams, policier de Newark, est condamné à la chaise électrique pour un meurtre qu'il n'a pas commis. Mais ce n'est qu'un simulacre organisé par un haut fonctionnaire du renseignement, le docteur Harold W. Smith et son émissaire au crochet en guise de main gauche, Conrad MacCleary.

« Je vous promets de la terreur au petit déjeuner, des pressions à midi, de la tension pour le dîner et de l'exaspération pour la nuit. » (MacCleary, Implacablement vôtre, de Richard Sapir et Warren Murphy, 1971)

Remo est choisi pour être l'arme secrète d'une organisation, CURE (1), qui ne rend de compte qu'au président des Etats-Unis et dont la couverture est un sanatorium. Son instructeur est un vieux coréen, Chiun, chargé de lui enseigner le Karaté et le Ju Jitsu, puis - à partir du 3ème livre, le Sinanju (« la source solaire de tous les arts martiaux », Chiun dixit).

Avec l'introduction du Sinanju, Sapir et Murphy cimentent leur concept et donnent une importance croissante au personnage de Maître Chiun. Les premiers volumes sont de facture classique bien que très efficaces mais la série s'oriente progressivement vers le thriller parodique et la satire sociale à la Jonathan Swift, deux ingrédients qui vont faire de L'Implacable un très gros succès commercial partout dans le monde.

En France, c'est Gérard De Villiers, l'auteur de SAS qui lance The Destroyer en 1977 pour les éditions Plon. Les traductions de très haut niveau de France-Marie Watkins et de Brigitte Sallebert, les couvertures peintes par Loris et de percutantes publicités sur les radios périphériques ( « L'Implacable... L'arme secrète du président des Etats-Unis. ») contribuent largement à la réussite du titre dans l'hexagone.

REMO WILLIAMS... L'AVENTURE RETARDE

Avec ses intrigues originales peuplées de savants fous, d'industriels mégalomanes et autres androïdes polymorphes (Mr Gordon's, un cyborg obsédé par la créativité) ou super-ordinateurs trop sociables (FRIEND). Avec ses références constantes à l'actualité américaine et internationale, ses clins d'œils parodiques et les réparties entre Remo et Chiun, L'Implacable avait tout pour séduire Hollywood.

Pourtant le cinéma et la télévision préfèrent pendant longtemps « s'inspirer » des écrits de Sapir, Murphy (2) et de leurs successeurs (Ric Meyers, Robert Randisi, Molly Cochran, William Joy...) tout comme l'influence des livres de Don Pendleton, écrivain injustement ignoré du grand public, se sent ostensiblement sur certains films d'action. Puis en 1981 Warren Murphy déclare dans la préface de l'édition originale de Balance of Power (Bye bye l'espion en français) : « ...L'Implacable va devenir bientôt un grand film de cinéma. »

C'est que le producteur Larry Spiegel vient juste d'acquérir les droits de la série et envisage de lancer une franchise pour le grand écran. Ses associés Mel Bergman et Judy Goldstein ainsi que lui-même n'arrivent à finaliser le projet qu'en 1985 avec la collaboration de Dick Clark, un important producteur de télévision.

« Il bouge comme un babouin, avec les doigts palmés. Cependant il y a une faible lueur encourageante dans son regard torve. » (Maître Chiun, Remo sans arme et dangereux)

LIVRE ET LAISSER MOURIR

Lorsque Remo sans arme et dangereux est en phase de développement James Bond, maintes fois parodié dans les romans de Sapir et Murphy, est encore « la marque déposée du grand spectacle moderne » dans l'esprit de tous les spectateurs de la planète. Le quatuor de producteurs et Orion Pictures font donc tout naturellement appel au romancier britannique Christopher Wood, scénariste de L'Espion qui m'aimait (1977) et de Moonraker (1979), et à son compatriote Guy Hamilton, réalisateur de quatre aventures de 007, dont Goldfinger.

Quoi qu'on ait pu en dire par la suite, Christopher Wood est aussi fidèle à la série littéraire qu'une transposition peut le permettre. Il donne aux fans des livres leur dose de références : « l'empereur Smith » (Chiun ne peut concevoir de travailler pour moins qu'un empereur), l'addiction de Maître Chiun pour « les beaux drames de l'après-midi » (ici un soap opera du nom de Au-delà de la nuit) ou « Petit père », le surnom que donne Remo au coréen.

Wood essaie dans ses dialogues de restituer la relation père-fils entre Chiun et Remo Williams avec un humour aussi proche de celui de Sapir et Murphy que possible. Larry Spiegel déclare considérer cette relation comme un élément essentiel des livres: « L’attrait des livres est la relation unique père-fils entre Chiun et Remo. Du moins, si on peut imaginer qu’un coréen de 80 ans philosophe peut avoir comme fils un ex-flic de New York familier de la rudesse des rues. » (Dossier de presse)

« Pourquoi tout ce qu'on ingurgite dans ce pays est assaisonné au monosidi... monosiou... mono...
- Monosodium glutamique, t'es même pas fichu de le dire.
- Je sais dire crotte de lapin. Cela ne signifie pas que je dois en manger.»(Remo et Chiun, Remo sans arme et dangereux)


Guy Hamilton partage l'avis de Spiegel et tient à ce que l'alchimie entre les deux personnages soit perceptible à l'écran. Le casting du film commence et la production auditionne près de 200 acteurs pour le rôle de Remo avant qu'Hamilton ne retienne Fred Ward (L'Evadé d'Alcatraz), lequel était en fait le premier choix du réalisateur.

La distribution du rôle de Maître Chiun relève du pur génie. C'est le caucasien et « oscarisé » Joel Grey (Cabaret) qui est choisi, à charge pour le spécialiste du maquillage Carl Fullerton (Les Prédateurs), de transformer le danseur, acteur et chanteur en digne et fier coréen octogénaire.

« Le coréen est la créature la plus parfaite qui ait jamais sanctifié la Terre de l'empreinte de son pied.»(Chiun, Remo sans arme et dangereux)

REMO WILLIAMS... L'AVENTURE COMMENCE

Reste à donner un visage au docteur Harold W. Smith, chef de CORE et officiellement assistant directeur des recherches d'une grande banque d'affaires (dans les livres le chef de CURE) dirige le sanatorium de Folcroft, dans le comté de Rye. C'est le vétéran Wilford Brimley (Le Syndrôme chinois, Cocoon), aux antipodes du patricien sec et dénué d'humour des livres, qui est retenu par les directrices de casting et Guy Hamilton.

J.A. Preston (de la série Hill Street Blues) devient Conn MacCleary et Kate Mulgrew, ex-madame Columbo, est le major Rayner Fleming, un militaire qui comme CORE soupçonne le milliardaire George Grove (Charles Cioffi) d'escroquer le Pentagone avec un système de défense factice, le H.A.R.P.

« Je viens de passer la matinée à me faire courser sur la Statue de la Liberté par une bande de truands.
- Que faisiez-vous sur la Statue de la Liberté, monsieur Williams ?
- J'cueillais des prunes !» (Remo et Smith)


Guy Hamilton remplit pleinement son contrat en donnant crescendo à Remo sans arme et dangereux son lot de séquences spectaculaires. Chiun évite les balles de Remo lors de leur première rencontre avant de commencer son enseignement (le maître exige de MacCleary quinze années !) : il le fait courir le long du rebord du toit de leur loft, l'oblige à se suspendre à une des cabines de la grande roue Wonder Wheel du parc d'attractions de Coney Island puis plus tard le regarde courir en flottant littéralement au dessus du sable de la plage.

Mais le plus grand moment du film est l'affrontement entre Remo Williams et trois ouvriers à la solde de Stone, l'homme à la dent en or (Patrick Kilpatrick), sur la Statue de la Liberté en travaux de restauration. La production demande aux autorités responsables l'autorisation d'utiliser pour le tournage de cette séquence les échafaudages et les abords de la statue.

Le gros de ces scènes est tourné au Mexique sur une fidèle réplique du buste de la statue construite en bois et fibre de verre. Sans arme, Remo et bel et bien dangereux et Grove s'en apercevra à ses dépens lors d'un ultime affrontement dans la forêt de la base militaire du Mont Promise.

IMPLACABLEMENT MORT?

Remo sans arme et dangereux sort dans les salles américaines le 11 octobre 1985 (il sort en France le 19 mars 1986) sous le titre Remo Williams, The adventure begins... Chiun marche sur l'eau à la fin du film mais ce miracle ne suffit pas à sauver cette adaptation cinématographique plutôt sympathique de L'Implacable de la cruauté toute aussi implacable du box office, enterrant de fait les projets de franchise de Larry Spiegel, Mel Bergman, Judy Goldstein et Dick Clark.

Restent de bons moments de cinéma, bien servis par Christopher Wood et Guy Hamilton, des répliques cultes (« Chiun, tu es vraiment incroyable - Non, je suis mieux que ça. » ) et une superbe bande originale composée par Craig Safan. Même si les passages au synthétiseur du générique d'ouverture datent un peu aujourd'hui son intro est un classique, le thème de Chiun est magnifique et la chanson finale, What if , interprétée par Tommy Shaw, demeure très agréable à écouter.

En 1988, Dick Clark Productions et Orion Television tournent pour le réseau américain ABC un pilote d'une heure intitulé Remo Williams et sous-titré The Prophecy avec Roddy McDowall dans le rôle de Maître Chiun et Jeffrey Meek dans le rôle de Remo. Passé le générique, Chiun invite les télespectateurs à se servir de leur télécommande (« Si vous avez choisi de regarder mon vaurien d'élève, Remo Williams. S'il-vous-plait, changez de chaîne. » ) dans la pure tradition de ses intrusions littéraires sous forme de préfaces, postfaces et autres commentaires. Ce qu'il vaut mieux en principe éviter lorsqu'on veut lancer une série télévisée.

Les téléspectateurs américains suivent donc le conseil et laissent à Chiun tout le temps de chercher « le monument local à la gloire de Barbra Streisand », son idole (autre élément issu des livres). La rumeur d'un projet de long métrage ou de série revient régulièrement depuis lors et les fans des livres (près de 140 volumes, édités en France chez Vauvenargues) discutent sur la toile du casting idéal.

Il y a cependant peu de chance que pareil projet d'adaptation voit le jour. De même qu'il est illusoire d'espérer trouver un jour une édition DVD convenable, en zone 2, de Remo sans arme et dangereux avec en bonus le pilote télé en version intégrale, les spots radios français et les couvertures des éditions françaises ou originales. C'est Tim Somheil qui écrit les aventures de L'Implacable à partir du numéro 134 en remplacement de Jim Mullaney mais Warren Murphy et Jim Mullaney ont lancé en juillet 2006 une nouvelle série de livres de L'Implacable, The New Destroyer, publiée aux Etats-Unis chez Tor Books (http://us.macmillan.com/TorForge.aspx).

« Citez une seule autre série dans laquelle j'apparaîtrais. Impossible. Et pourquoi ? Parce que je ne participe pas à ces désastres. C'est la gloire de la Maison de Sinanju, de véritables assassins... pas de vulgaires tueurs ou meurtriers tels que semblent l'indiquer ces romans de gare, qui a fait la série L'Implacable. En toute humilité je suis forcé de dire que ce n'est pas la magie qui est à l'origine de ce succès. C'est moi. » (Maître Chiun, préface de la réédition américaine de Biftons bidons, 1985)

(1) L’organisation qui emploie Remo s’appelle effectivement CURE dans les livres et CORE dans la vf du film.
(2) Richard Sapir est décédé en 1987 et Warren Murphy ne participe plus directement à l’écriture de la collection d'origine mais garde un œil sur le titre (http://www.warrenmurphy.com/).

mercredi 16 avril 2008

VERITY LAMBERT

Grande productrice et grande figure de la télévision britannique, Verity Lambert (27 novembre 1935-22 novembre 2007) débuta véritablement sa carrière en 1963 lorsqu'on lui confia la charge de produire une nouvelle série, programme que certains grands pontes de la BBC pensaient voir disparaître très rapidement. La série en question s'appelait Doctor Who et narrait les aventures dans l’espace-temps du Docteur, son héros, un seigneur du temps capable de se régénérer (d’où sept acteurs différents !) Ces aventures extraordinaires se poursuivirent jusqu’en 1989 puis dans un téléfilm de 1996 (avec un huitième acteur).

L'initiateur de Doctor Who , le grand Sydney Newman (The Avengers), avait exigé qu'il n'y ait aucun « M.Y.I » (Monstre aux yeux d'insecte), consigne que Lambert s'empressa d'ignorer avec l'arrivée des fameux robots Daleks imaginés par le brillant scénariste Terry Nation. Ce qui propulsa la série au rang de programme culte.

Adam Adamant lives! (série géniale dont l'idée de base a servi à Mike Myers pour Austin Powers), Quatermass (version 1979), Minder (1979-1994, bijou de la télé anglaise inconnu en France), Les veuves au parfum, Les Taupes (1991,une mini-série très originale diffusée en son temps par Arte), ne sont que quelques uns de ses titres de gloire.

Elle est décédée à la veille du 44ème anniversaire de Docteur Who, classique ressuscité en 2005 par BBC Wales, la branche galloise de la Beeb, sous le haut patronage du scénariste et producteur gallois Russell T. Davies (Queer as a folk), de la productrice Julie Gardner et de Jane Tranter, responsable des dramatiques à la BBC. Christopher Eccleston puis David Tennant y interprètent respectivement le neuvième puis le dixième Docteur.

La nouvelle version de Doctor Who a deux séries dérivées: Torchwood et The Sarah Jane Adventures.

THE CHALLENGE - LE DERNIER ELU

L'Allemagne dans un avenir pas si lointain. Dans un pays où règnent chaos et force brutale, Jonas Klingenberg (Mathis Landwehr) doit retrouver un livre vénérable et mystérieux contenant les secrets des anciens arts martiaux dans un monde où les armes à feu ont disparu. Ce livre a été volé à son maître, assassiné par Bosco (Christian Monz) et Kleo (Zora Holt) - les impitoyables et mortels héritiers d'un cruel seigneur de guerre. Avec l'aide de Vinzent Lakotta (Volkram Zschiesche), de sa soeur Marie (Sinta Weisz), et de leur groupe de réfugiés, Jonas recherche le livre et défie la dictature de Bosco.

« Mon disciple. En 2045 la guerre des villes s'était étendue dans toute l'Europe. Le futur était le passé. Les gouvernements cessèrent d'exister [...] Tous le pays sombra dans le chaos et la destruction. » (Maître Tach)

« Comme je dis toujours si vous courez assez vite vous volez » (Maître Dobbs)

L'HONORABLE SOCIETE

La genèse de The Challenge commence durant l'été 1999. Johannes Jaeger, Tobias Hartmann, Volkram Zschiesche, Mathis Landwehr et Christian Monz sont membres de l'Ehrenwerte Gesellschaft alias Ehge (L'Honorable Société), un groupe d'artistes martiaux. Ils ont le projet de tourner un films d'arts martiaux à Stuttgart, le titre : Kampfansage.

Le projet se matérialise sous la forme d'un court métrage (10 minutes) tourné en MiniDV en 21 jours avec 150 prises de vue, plus de 2000 prises, beaucoup de travail, de la foi et le sens du timing de son réalisateur-scénariste Johannes Jaeger. L'histoire : trois amis (Volkram Zschiesche, Mathis Landwehr et Christian Monz) « bullent » sur un sofa et regardent la vidéo d'un film de kung fu. Ils s'endorment et rêvent qu'ils jouent dans le film, mais est-ce bien un rêve ?

« Comme dit le proverbe: on doit creuser son puit avant d'avoir soif. » (Maître Tach, mort mais sage)

Le cachet de la production, la chorégraphie efficace des combats et la qualité du résultat permet à l'équipe d'ajouter un autre chapitre à la saga Kampfansage. Avec une histoire et des personnages différents mais le même casting principal et des scènes de combats toujours emballées avec style, Kampfansage 2 (2002) impressionne et est montré sur une chaîne câblée allemande ainsi qu'à travers des festivals ou le court métrage obtient deux récompenses.

Les deux courts attirent l'attention de Hermann Joha (http://thierryattard.blogspot.com/2008/06/hermann-joha.html), producteur, fondateur et président de la compagnie allemande action concept, cascadeur, pilote professionnel d'hélicoptère, réalisateur et surtout génial inventeur d'un nouveau genre en matière d'action - avec des séries télé comme Alerte Cobra and Le Clown. A l'époque, action concept travaille sur le développement de sa filiale cinéma avec Le Clown - Le film. Ehrenwerte Gesellschaft et Joha joignent leurs forces pour pousser l'esprit de Kampfansage au-delà de limites jamais atteintes auparavant.

LE DEFI COMMENCE...

« C'était toujours la même ville, mais les ténèbres étaient descendues sur les ruines. » (Jonas)

Avec un financement de 300 000 euros par action concept et environ 40 jours de tournage (entre septembre et novembre 2003), le scénariste et visionnaire résident de Kampfansage, imagine Kampfansage - Der letzte Schüler, et crèe un Berlin revisité par Ken le survivant ou Apocalypse 2024 avec l'assistance de Hackermovies.com, la communauté internet de tournages de films en numérique fondée par Steffen Hacker et Daniel Nolde.

Les honorables artistes martiaux, chorégraphes et acteurs de Ehrenwerte Gesellschaft sont de retour: Mathis Landwehr est le héros, Jonas Klingenberg, presumé mort (« J'ai été un peu absent » ) grâce aux bons soins de la vicieuse Kleo, mais désireux de retrouver le livre volé à son maître. Jonas est un Kwaï Chang Caine moderne et allemand, moins la naïveté - « C'est un peu injuste, six contre un ? » - mais plus une touche de Clint Eastwood et de Remo Williams(un Remo blond - Pensez-y, James Bond aussi est blond maintenant).

Christian Monz est Bosco, le frère de Kleo et l'assassin du maître de Jonas, un croisement entre Dark Vador (ses lieutenants devraient prier pour que Bosco aille voir un psy) et le Maître Nuihc des livres de L'Implacable. Volkram Zschiesche est Vinzent Lakotta, l'artiste martial chef d'une bande de jeunes des rues, un Mel Gibson made in Germany avec une obsession pour la nourriture et un solide sens le l'humour (« Merde, je croyais que c'était un livre de cuisine » ).

Heureusement, les personnages féminins égalent les personnages masculins en matière de forte personnalité. Zora Holt est Kleo, soeur très chère de Bosco (« Tu te fais tes hommes plus vite que moi » ) et la dernière femme en Allemagne a utiliser un pistolet au lieu de manchettes (et ce n'est pas un Derringer) et Sinta Weisz est Marie, la soeur de Vincent et la flamme de Jonas.

BERLIN CASSE LA BARAQUE

« Mais si tu continues à me saper le moral avec cette merde, je te tue. » (Bosco, Zen vendu séparément)

Jusqu'à 80 personnes sur le plateaux, jusqu'à 15 employés de bureau et 20 personnes travaillant pour l'équipe de cascadeurs, plus de 350 effets visuels (créés par Hackermovies et Unexpected Gmbh), plus de 100 heures de materiel non monté (Making Of exclu) réduites à 90 minutes, et des standards de production extraordinaires pour un tel budget et pour un long métrage filmé en Mini35 DV. Trouver action concept attaché à pareil projet n'est pas une surprise.

« Tu aimes les jeux de guerre.
- Qui parle de jeux? » (Malte - cousin de Cypher - et Jonas)


Avec The Challenge, Johannes Jaeger nous offre non seulement le premier film d'arts martiaux allemand mais surtout un sacré bon film qui emprunte autant à l'esprit des films de Hong Kong, mais aussi d'une certaine manière au western spaghetti, aux blockbusters US, ou encore a des classiques tels que Butch Cassidy et le Kid (« Dès que tu atteint le sol, roule »), Flash Gordon, les films de Luc Besson (« Il ne cèdera pas ») ou Pulp Fiction (avec « Les mecs sont des chiens » Kleo dans le rôle d'Uma Thurman).

De splendides combats d'arts martiaux, de l'action, de l'humour, des scènes d'anthologie (l'attaque de la discothèque improvisée, la confrontation entre Vinzent et Kleo, parmi beaucoup d'autres...), des dialogues cultes (« C'est ce qui arrive quand vous affrontez des nabots »), une bonne bande originale (par Alex Pfeffer et Marco Jovic) et des artistes martiaux qui savent jouer. The Challenge - Le dernier élu a tout cela et beaucoup plus.

« Mais telle est la voie de la Maîtrise : apprendre le combat, combattre, ne plus avoir à le faire, et puis oublier tout. » (Maître Jonas)


(c) Thierry Attard

LE CLOWN - LE FILM

Après la mort de Claudia Diehl (Diana Frank), tuée alors qu'il tentait d'empêcher avec elle et son ami Tobias « Dobbs » Steiger (Thomas Anzenhofer) l'attaque d'un transport de documents confidentiels, Le Clown, alias Max Zander (Sven Martinek) décide d'abandonner le combat pour la justice. Mais Zorbek (Götz Otto), l'assassin de Claudia, a caché des plans volés au cours du braquage dans un grand centre commercial proche de l'attaque et Max, désormais agent de sécurité dans ce centre, attend depuis quatre longues années que l'homme et son équipe viennent les récupérer.

C'est alors que la journaliste Leah Diehl (Eva Habermann), la sœur de Claudia, est enlevée par Zorbek et sa maîtresse Mona (Xenia Seeberg) au cours de la violente attaque d'un fourgon blindé. Dobbs, qui n'a plus de contact avec Max depuis quatre ans, veut alors convaincre son ami de remettre le masque du Clown.

MAX. HEADROOM

« Il y a le bien, il y a le mal et il y a Le Clown...»

En matière de production de séries télévisées en Allemagne comme en matière d'action il y a un avant et un après Der Clown. Imaginé par Hermann Joha et Claude Cueni en 1996 pour action concept, la société de Joha - productrice de la série Alerte Cobra (Alarm für Cobra 11 - Die Autobahn Polizeï), et la chaîne allemande RTL, le justicier masqué a définitivement imposé dans le monde le style action concept comme la référence absolue en matière de cascades et de séquences spectaculaires. Il suffit de revoir le téléfilm d'origine puis le téléfilm-pilote de la série subséquente (1998) pour s'en convaincre.

La série est mise en hiatus en 2001 après 6 saisons alors que son succès demeurait incontesté. Mais les fans en Allemagne et à l'étranger réclament d'autres épisodes et action concept envisage alors de produire un téléfilm dans la veine de ceux de 1996 et 1998. Le projet prend tellement d'ampleur au fur et à mesure de son développement que Hermann Joha et Rolant Hergert (un des dirigeants d'action) font le pari audacieux d'offrir aux fans du Clown un ambitieux long métrage destiné au grand écran.

Après deux ans de préparation, le réalisateur Sebastian Vigg (Alerte Cobra, Millenium Man) et les équipes d'action concept entament le tournage au printemps 2003 à Dusseldorf et dans la région Nord Rhein-Westphalia. Ils immortalisent en 38 jours sur 60 000 mètres de pellicule Der Clown - Payday, le film d'action le plus élaboré, le plus couteux (le budget est estimé à 8 000 000 d'euros) et le plus sensationnel jamais produit en Europe par une compagnie non-américaine.

MAXIMUM OVERDRIVE

« Max Zander est... Le Clown ! » disait le générique de la série télévisée. L'acteur est-allemand Sven Martinek retrouve avec délectation le personnage de Max. Mais un Max en rupture de clowneries, dont l'unique motivation pour continuer à vivre est de se retrouver face à face avec le meurtrier de la femme qu'il aimait dans ce méga centre commercial (le Rhein Ruhr Zentrum) où l'ex-justicier au masque de clown exerce désormais les fonctions d'agent de sécurité. Et ce n'est pas le loubard qui tient en joue son collègue vigile (le vétéran Horst Sachtleben, un acteur qu'il est toujours agréable de retrouver) ou son complice qui vont lui faire perdre patience.

« Ils vont probablement rédiger un constat » (Le commissaire en chef Führmann apprenant que 23 véhicules de police ont été endommagés)

Passé les crédits du générique et les retrouvailles avec le héros solitaire, Sebastian Vigg, Hermann Joha et Roland Leyer - réalisateur des scènes d'action avec Torsten Künstler - reprennent les bonnes habitudes prises par action concept sur Alerte Cobra (série connue pour le nombre exceptionnel d'explosions ou de jets de voiture dès les cinq premières minutes), mais cette fois à la puissance mille avec la poursuite autoroutière la plus spectaculaire de l'Histoire du genre. Entre autres réjouissances un hélicoptère de la télévision manque de percuter en plein vol trois voitures de police soufflées par une gigantesque explosion !

RETURN OF THE MAX

Le commissaire en chef Führmann (le grand acteur de théâtre et de télévision Andreas Schmidt-Schaller) qui est au Clown ce que le commissaire Juve est à Fantômas - « Je l'aurais cette fois » - fait immédiatement le lien entre l'attaque du forgon blindé, l'enlèvement de Leah Diehl et son ennemi de toujours Le Clown. De son côté, Dobbs, devenu un chef d'entreprise en costume (il dirige sa propre flotille d'hélicoptères) se décide à renouer avec Max pour porter secours à Leah.

« Regarde toi donc.
- Quoi, c'est du Armani.
- Armani ? Un ami à toi ? Et il te prête ses fringues ? »(Max et Dobbs)

Max se range aux arguments de son ami, lequel a fort commodément emporté avec lui la tenue noire et le masque du Clown au cas où (« Pourquoi personne ne m'a dit comme j'ai l'air stupide avec ça »). Le moment est venu pour Zander de rempiler lorsque Führmann et son jeune adjoint Salbach (Xaver Hutter) investissent le centre Rhein Ruhr avec la cavalerie, obligeant le Clown et son associé à fuir dans le break BMW neuf de celui-çi (« Jolie voiture, c'est aussi du Armani ?- Non c'est du BMW et à propos ça ne passera pas »). La voiture y laisse deux rétroviseurs - ce qui n'est que le début de ses tourments.

« Ce n'est pas ce que vous espériez.
Je ne vous ai rien demandé. »(Leah et Zorbek)

Point de grand thriller d'action sans un super-vilain à la hauteur. Götz Otto, remarqué pour la première fois dans le James Bond Demain ne meurt jamais en 1997, est le challenger idéal du Clown. Doté à la fois du physique nécessaire pour le rôle de Zorbek et d'une solide expérience d'acteur glanée au théâtre, au cinéma et à la télévision, il sait insuffler la distance nécessaire à ce genre de personnage (dont l'epitome fut sans conteste le génial Powers Boothe dans Mort subite). A ce titre la scène de la pizza commandée par un de ses hommes de main demeurera un classique.

LE MAX DEPOSE DU GRAND SPECTACLE MODERNE

« Comme je dis toujours si vous courrez assez vite vous volez » (Dobbs, qui dirige une entreprise sérieuse)

Ciltius, Altius, Fortius aurait pu être la devise d'action concept. Si c'est presque de manière compulsive que la splendide « Bimmer » du pauvre Dobbs finit au fond de l'eau de la piscine désaffectée qui sert de Q.G. à Zorbek, Mona et leurs sbires, c'est pour mieux préparer à un affrontement épique dans le centre commercial (John McClane en a rêvé, Hermann Joha l'a fait).

Suivent des séquences dignes d'un James Bond de la grande époque et un crash d'hélicoptère qui vaut à Dobbs une réplique à la manière de T.C. dans la série Magnum (indéniable source d'inspiration du personnage) : « D'abord ma Bimmer, maintenant l'hélico ». Il est d'ailleurs clair que 007 est le mètre-étalon des équipes de Hermann Joha.

« Tu n'oseras pas » (Le chef Führmann découvre qu'il y a bien des façons de conduire un monospace)

Parce que voler le contenu du coffre-fort de la tour Nakatomi ferait vraiment gagne-petit Zorbek projette de s'emparer de tout l'or de la Réserve fédérale d'Allemagne (« Le petit cochon national », Dobbs dixit) et est prêt à tout pour ça, y compris à faire un gros trou dans un barrage. Les gens d'action concept ont mis les petits plats dans les grands : 12 jours complets de tournage furent nécessaires pour mettre en boîte toutes les cascades du film avec parfois jusqu'à 15 caméras utilisées simultanément. 12 cascadeurs et 2 cascadeuses ont servi des prouesses sans équivalent, même au sein des produits de la maison. Bien sur, comme il est d'usage chez action, les acteurs principaux ont suivi un entraînement physique intensif et un stage de maniement d'armes.

« Il essaie de voler sous notre radar.
- Oui mais on a pas de radar. » (Un militaire et son supérieur)

SEND IN THE CLOWN (MAX MIX)

Der Clown - Payday explose les standards de la série voire ceux des autres titres d'action car il ne s'agit pas d'une simple adaptation de Der Clown mais bien d'un thriller à grand spectacle avec des personnages familiers. Le réalisateur Sebastian Vigg démontre sa maîtrise d'une production à la photo (Diethard Prengel) et au montage (Daniela Beauvais) sans failles. Timo Berndt (la série Anges de choc) signe un bon scénario digne des meilleurs James Bond et arrive à se démarquer de la série d'origine sans trahir ses fans (oui, Dobbs prononce toujours sa réplique fétiche); il leur offre même quelques surprises, puisque « Enlève ton masque » Führmann n'est pas aussi borné et caricatural qu'il en a l'air.

« A la fin on en vient toujours à l'honneur et c'est ce qui vous détruit » (Führmann, homme d'honneur)

Eva Habermann remplace avantageusement la sublime Diana Frank et c'est amusant de la voir confrontée à Xenia Seeberg, les deux actrices ayant toutes les deux participé à la série Lexx. Action, humour, exploits physiques et pyrotechniques ainsi qu'une excellente et astucieuse bande originale signée Kay Skerra avec une chanson d'Exilia en générique de fin (le thème de la série n'est pas utilisé ce qui est assez malin) sont les ingrédients de choix de ce « jour de paye » secoué et très agité.

Le Clown - Le film a été récompensé d'un très prestigieux Taurus Award en septembre 2005 à Los Angeles dans la catégorie Meilleur film d'action étranger. Parmi les nominés se trouvaient tout de même New Police Story avec Jackie Chan, ce qui n'est pas rien.

Son nom est Joha, Hermann Joha...

In English: http://tattard2.blogspot.com/2008/05/clown.html

(c) Thierry Attard

(ASTRO)CROISIERE SURPRISE – PREMIERE EPOQUE ((T)RAUMSCHIFF SURPRISE - PERIODE 1)

22 juillet 2004, 17h35, l'armée américaine trouve dans le désert du Nevada un vaisseau spatial dont la technologie permet à l'humanité de coloniser la planète Mars. 2304, les descendants des colonisateurs, dirigés par le belliqueux Régulateur Rogul (Hans-Michael Rehberg) et son fidèle disciple, le sournois, asthmatique et inutilement cruel Jean Maul (Rick Kavanian), décident de conquérir la Terre.

Alors que la quasi-totalité de la flotte terrienne vient d'être détruite, le conseil présidé par la princesse Métapha (Anja Kling) n'a pour seul recours que d'envoyer un fax à l'équipage du seul vaisseau encore en état de marche : l'(Astro)Croisière Surprise, commandé par Gérard T. Kork (Christian Tramitz). Mais le peu vaillant capitaine et ses officiers, le vulcanette vulgaris Chpouk (Michael Herbig) et l'ingénieur Rouilly (Rick Kavanian !) n'en ont cure car ils préparent leur chorégraphie pour le concours de Miss Waïkiki (« Parce qu'on est belles et futées et bien faites...»)

« Faites route de suite vers la Terre et présentez vous devant le gouvernement.
- M'en fiche ! On s'entraîne pour le concours de Miss Waïkiki. On a nos priorités, n'est-ce pas Monsieur Chpouk » (Chpouk et le capitaine Kork)


DES GARCONS, UNE FILLE... QUATRE POSSIBILITES

Mars 2002, auréolé du triomphe de La chaussure de Manitou (Der Schuh des Manitu), le plus gros succès de toute l'histoire du cinéma allemand, le comédien, réalisateur, producteur et scénariste Michael « Bully » Herbig soumet via Internet au vote du public de son émission de télévision Bullyparade (diffusée sur la chaîne ProSieben) le sujet de son très attendu prochain film.

Les téléspectateurs doivent choisir entre quatre possibilités : La chaussure de Manitou 2, Sissi (une des cibles préférées de l'émission), Unser Traumschiff (parodie gay de Star Trek) et Un film dont personne n'attend rien. Trois mois après, c'est au cours du talk-show TV Total, présenté par le très populaire comique et musicien Stefan Raab, que sont dévoilés en présence du Mel Brooks germanique les résultats de ce vote.

Plus d'un million d'internautes se sont prononcés et c'est Unser Traumschiff qui l'emporte avec 34% des votes (contre 31% pour Manitou 2). C'est ainsi que le capitaine Kork, l'ingénieur Rouilly et l'improbable vulcanette Chpouk (prénom : Brigitte !) quittent le petit écran pour le grand.

« Je suis une vulcanette vulgaris qui peut vivre jusqu'à 400 ans. Comme les tortues des Galapagos ! Et t'es quoi ?
- Je suis le capitaine !
- Ha ! C'est parce que tu as couché ! » (Chpouk et Kork)


DER WELTRAUM, UNENDLICHE WEITEN...

Afin de mettre en place (Astro)Croisière Surprise - Première époque ((T)Raumschiff Surprise - Periode 1) (1), cette épopée spatiale très spéciale, herbX Film (la société de Michael Herbig), s'associe de nouveau avec la major Constantin Films pour un budget estimé de 9 millions d'euros. Producteur et acteur, Bully, retourne derrière la caméra comme réalisateur et co-signe le scénario avec Alfons Biedermann et son complice de toujours, le drôlissime Rick Kavanian.

Ils donnent à Kork, Rouilly et Chpouk de nouveaux collègues de travail comme l'imposant et grognon Tube, l'officier médical (Kavanian, qui grâce à la science du maquillage joue trois rôles dans le film), Fraulein Bora-Bora, la plantureuse officier des communications afro-américaine amoureuse de Chpouk (Stacia Widmer) ou bien Monsieur Navi, le navigateur qui ne parle que cantonais (Maverick Queck).

Mais il n'y a pas d'épopée sans héros épique. Si la princesse Métapha devait compter sur nos trois Stooges de l'espace, Rogul et son ricanant serviteur ne feraient de la Terre qu'une bouchée. C'est la superstar allemande « testée à Hollywood » (Dixit le dvd bonus d’ (Astro)Croisière) Til Schweiger qui ose aller là où nulle superstar bien portante n'est allée auparavant, dans le rôle de Rock Prêt-Partez (« Je suis Til Schweiger et je gagne ma vie comme acteur. Ca rapporte peu mais assez pour deux semaines de vacances au Club chaque année »), le chauffeur de taxi de l'espace !

Le tournage marathon de 3 mois, entre avril et juin 2003 se déroule en République tchèque, en Espagne et en Allemagne. Le reste du temps avant la sortie du film le 22 juillet 2004 étant consacré entre autres choses aux nombreux effets spéciaux.

DU BON USAGE DU SOFA TEMPOREL

Pour empêcher Jean Maul et ses troupes d'arriver à leurs fins, la princesse, nos héros involontaires et le héros certifié conforme, doivent remonter jusqu'en 2004 à l'aide d'un sofa temporel et détruire le vaisseau spatial échoué dans le Nevada avec un laser de l'armée suisse. Mais les choses ne se passent pas comme prévues : Rouilly est capturé par les soldats ennemis dans la salle du conseil tandis que Métapha, Rock, Kork et Chpouk se retrouvent au Moyen-âge.

C'est à ce moment que Sky du Mont, gentleman du cinéma allemand et interprète de Santa Maria dans La chaussure de Manitou, revient sous les traits et avec le long nez de William le Dernier, comte de Stockoption dans une performance digne de John Cleese période Monty Python. Voir la scène du diner ou le comte tente de charmer la princesse Métapha.

« Vous êtes marié ?
- J'étais.
- Où est votre femme ?
- Pendue dehors.
- Vous l'avez fait pendre dehors ? Pourquoi ?
- Ici il n'y avait pas de crochet. » (Métapha et William le Dernier)

Et c'est encore aux Python dans Sacré Graal que l'on songe lorsque le conseiller de William (Christoph Maria Herbst, très Eric Idle) annonce un forfait au tournoi de chevalerie :

« Le fils cadet de Sir Firmin-Winston Fattenberry de West Faicuicui-Minster-Château-Chatwood, 3ème comte de Yorkshire-Forrest-Wooden-Lakester-Pettingham, Sir Richard Carjacking, ne peut participer au tournoi.
-Oooh !
- Eh oui, la peste... »

LA CHAUSSURE DE MANITOU 10 MINUTES AVANT

La grande intelligence de Michael Herbig réside dans le fait que tout comme Manitou n'était pas une simple version gonflée Super 35 mm des sketches de Bullyparade, (Astro)Croisière ne l'est pas non plus. D'ailleurs les parodies des standards de la science-fiction (Star Wars, Star Trek, 2001, l'odyssée de l'espace, Minority Report, Le Cinquième élément...) ne représentent qu'un quart du film.

« Il y a trente ans vint un bébé abandonné, sans chaussettes et sans chaussures. C'était toi ce bébé bien sur.
- Je ne vous suis pas très bien, mon Régulateur.
- Je suis... ton père ! » (Rogul et Jean-Maul)

Le capitaine Kork et son premier officier vulcanette s'effacent en fait la plupart du temps au profit des autres personnages, comme la princesse Métapha et Rock Prêt-Partez. Et lorsque que le binôme revient au tout premier plan, c'est pour se retrouver avec ses nouveaux amis dans l'Ouest sauvage face à l'infâme Santa Maria de La chaussure de Manitou. Dix minutes avant qu'il ne tente de fourguer une façade de saloon à Abahachi et Ranger.

Et Sky du Mont s'en donne à cœur joie dans le costume noir désormais familier du vil tueur businessman qui fait sa propre publicité. Cette fois il vend des couvertures contre le rhumatisme (« Doudou dodo ») à un club de vieilles dames pendant que John, un de ses hommes de main, affronte Kork et Brigitte Chpouk en duel.

RECULER L'IMPOSSIBLE AVEC DE LA CREME DE FROMAGE

L'(Astro)Croisière amuse avec ses moments d'anthologie comme cette poursuite délirante entre Rock Prêt-Partez (réplique phare : « Ensalada Mista, Baby ! ») à cheval et Jean Maul sur sa « Mob du temps », un vélomoteur qui voyage dans le temps, tel un sofa. Les héros involontaires ou non sauvent le monde et le sensible Chpouk le change en vendant la recette de sa crème de fromage (le met favori de l'équipage du Surprise) à une chaîne de restauration rapide grâce à un paradoxe temporel.

Avec son troisième film, après Erkan & Stefan et Manitou, Michael « Bully » Herbig va encore plus loin dans l'exploration de son univers comique et prouve qu'il est un réalisateur capable de maîtriser la gestion d'une production énorme tout en faisant preuve d'une dévotion sincère pour le 7ème art et d'un grand sens artistique. Il flirte même parfois avec la poésie, comme l'atteste la comptine qui ouvre le film, interprétée par la jeune Paulina Jones :

« La vie est si triste
Sans personne à aimer
L'amour est rare
Et je ne veux pas le manquer »

La bande originale du film est signée par Ralf Wengenmayr (La chaussure de Manitou), lequel prend un malin plaisir à se payer une certaine marche très connue sur un formidable gag récurrent (au début d’une scène le thème de Rogul est interprété par le chœur de ses conseillers, qu’il interrompt d’un geste de la main. Plus tard il le joue lui même à l’orgue !) et rend un hommage appuyé au thème de Fantômas composé par Michel Magne. Stefan Raab signe et produit les chansons, dont le générique final, Space Taxi, véritable carton en Allemagne.

Tout ce que touche Michael Herbig devenant aussitôt phénomène de société chez nos voisins germanophones, (Astro)Croisière Surprise - Première époque a fait l'objet d'un raz-de-marée sans précédent de produits dérivés depuis le fameux laser de l'armée suisse jusqu'aux pyjamas pour bébés en passant par les deux albums de la B.O. Le film lui-même a rapporté plus de 49 millions d'euros et inutile de dire que le prochain opus du maître est espéré avec la plus vive impatience.

Herbig dit qu'il souhaite explorer d'autres territoires que l'humour et c'est sans doute vrai. Même si Jean Maul, déguisé en vendeur de colliers de fleurs, rumine sa vengeance pendant que le trio vedette du vaisseau Surprise savoure enfin le concours de Miss Waïkiki (« Tu peux compter sur moi, Papounet ! »)

« Je suis Hermes, messager des Dieux. Tschüs ! »(Rouilly)

(1) (T)raumschiff Surprise - Periode 1 n’ayant pas été distribué en France nous avons choisi d’adapter le titre ainsi que les noms des personnages et les extraits de dialogues cités dans cet article pour permettre aux lecteurs ne comprenant pas l’allemand d’avoir une idée aussi précise que possible de l’humour de Michael Herbig.