mercredi 18 juin 2008

JANE EYRE (KOBA FILMS VIDEO)

Angleterre, 19ème siècle. Après une enfance douloureuse, Jane Eyre arrive à Thornfield Hall où elle a été engagée comme préceptrice d’Adèle, la pupille du ténébreux et sarcastique propriétaire des lieux, Edward Fairfax Rochester. Mais les murs de Thornfield dissimulent le pesant secret de monsieur Rochester.

Référence en matière de fiction télévisée patrimoniale française, Koba Films Video s’impose comme l’éditeur incontournable de la fiction télé britannique. Koba propose ainsi le meilleur de la production contemporaine du Royaume-Uni : Les Arnaqueurs VIP, Blackpool, Femmes de footballeurs, La fureur dans le sang, Life on Mars, State of Play – Jeux de pouvoir ou encore la saison 1 de Torchwood, la série dérivée de Doctor Who.

Mais Koba Films Video propose également quelques grands classiques de la télévision britannique, tels l’absolument indispensable Orgueil et préjugés (Pride and Prejudice, 1995), d’après Jane Austen et avec Colin Firth, ou encore cette adaptation non moins indispensable et définitive de Jane Eyre, le roman de Charlotte Brontë, réalisée en 1983 à l’initiative de cette grande et noble maison qu’est la BBC.

RETOUR AU CHATEAU

«…mes voyages à travers la Grande Bretagne, parmi des gens de toutes conditions, comme l’expérience de mon enfance dans les quartiers pauvres de Londres, ont posé la base de mon travail littéraire . » (Alexander Baron, 1917-1999)

Jane Eyre, le roman de Charlotte Brontë (1816-1855) publié en 1847, a fait l’objet de très nombreuses adaptations cinématographiques et télévisuelles entre 1910 et 2006. Pour la BBC c’est pratiquement une figure imposée depuis 1958. Ce Jane Eyre de 1983 est produit par le producteur et réalisateur Barry Letts, maître d’œuvre de Doctor Who (la série classique) périodes Jon Pertwee et Tom Baker, et habitué des adaptations des piliers du Panthéon de la littérature britannique, dont l’inévitable Jane Austen ou Charles Dickens.

Julian Amyes, avec qui Letts avait déjà travaillé sur deux adaptations de Dickens - Le magasin d’antiquités (The Old curiosity shop, 1979) et De grandes espérances (Great Expectations, 1981) – signe la réalisation. Le journaliste et romancier britannique Alexander Baron se charge de transposer Jane Eyre, tout comme il avait veillé avec Barry Letts aux destinées des adaptations de Raison et sentiments (Sense and Sensibility, 1981), Stalky & Co. (1982, d’après Kipling) et de Le chien des Baskerville (1982, avec le grand Tom Baker dans le rôle de Sherlock Holmes). Le scénariste Terrance Dicks, que les fans de Doctor Who connaissent bien, supervise le découpage du scénario.

« Vous êtes… Monsieur Rochester.
- Une déduction intelligente, Mademoiselle Eyre. »
(Deuxième rencontre entre Jane et Rochester)


La pierre angulaire d’une adaptation de Jane Eyre est, bien sûr, la distribution des deux rôles principaux. Zelah Clarke, danseuse classique de formation – qui jouait le rôle de Susan Nipper dans Dombey et fils (Dombey & Son, 1983, d’après Dickens) produit par Barry Letts – est choisie pour être Jane à l’âge de 18 ans. Le Gallois Timothy Dalton (futur James Bond) devient Edward Fairfax Rochester, ce qui ne surprend pas ceux qui se souviennent de son sublime Heathcliff dans le film Les hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1970) réalisé par Robert Fuest d’après le roman d’Emily Brontë, sœur de Charlotte.

Jane enfant est interprétée par Siân Pattenden, qui deviendra bien plus tard journaliste, auteur et illustratrice de livres pour enfants (http://sianpattenden.co.uk/). Sa très courte carrière de jeune actrice compte un passage par la case Docteur Who, dans le premier épisode de l’histoire intitulée Mawdryn Undead (1983), avec Peter Davison dans le rôle du Docteur.

LE FANTÔME DE THORNFIELD HALL

« Je rêvais de changement, de liberté. Ou, au moins, d’une nouvelle servitude . » (Jane)

Enfant, Jane Eyre vit à Gateshead chez sa tante Reed (Judy Cornwell, exceptionnelle actrice… qui a joué dans Les hauts de Hurlevent), dont le défunt mari l’a recueillie à la mort de son père. Révoltée face au mépris de sa famille d’adoption, elle est envoyée par sa tante au sinistre pensionnat de Lowood (« Elle sera traitée comme il se doit » ), administré par le bigot Brockelhurst (Robert James, très respectable acteur écossais, apparu par deux fois dans Docteur Who).

Jane Eyre affronte la rigueur de l’éducation à Lowood (« Ici pas de temps pour l’oisiveté ») et se fait une amie en la personne de Helen Burns, mais celle-ci décède de la tuberculose tandis que nombre de leurs condisciples sont emportées par le typhus. Miss Temple, la surintendante de Lowood, prend la jeune Jane sous son aile et en fait une institutrice accomplie mais, lorsque sa protectrice se marie, Jane décide de passer une annonce afin de trouver une nouvelle situation et quitter Lowood, devenue entre temps une institution « utile et noble ».

C’est ainsi que Jane Eyre, âgée de 18 ans, arrive à Thornfield Hall pour occuper le poste de préceptrice de Miss Adèle Varens, la pupille d’Edward Fairfax Rochester née « sur le continent ». La sympathique Madame Fairfax (« Bien sûr, je suis liée de loin aux Rochester. Enfin, mon mari l'était »), la personne qui veille à la bonne marche de la maison, accueille Jane. Mais la jeune femme est intriguée par un rire pour le moins étrange qu’elle attribue à Grace Poole, une singulière domestique ayant un penchant pour la boisson.

« Pas étonnant que vous ayez l’air de venir d’un autre monde. » (Rochester)

Le très énigmatique monsieur Rochester, de retour des lointaines Antilles, est volontiers cassant (« Excusez mon ton. J’ai l’habitude de commander. Je ne puis changer pour un nouveau pensionnaire ») mais très lucide quant à la condition humaine (« Non, jeune femme, je ne suis pas, en général, philanthrope ») comme quant à sa propre condition (« Je suis un banal et commun pécheur »). Il se flatte d’être « aussi dur qu’une balle en caoutchouc » mais Jane Eyre, qui l’intrigue, arrive dans sa vie à point nommé pour le distraire de pensées « qui sont obsédées par un seul et même point »: un secret qui hante le propriétaire de Thornfield et son imposante demeure.

MASTERPIECE THEATRE

« Suis-je hideux, Jane ?
- Oui, Monsieur. Vous l’avez toujours été. »
(Jane et Rochester)


Cette mini-série de cinq épisodes de 50 minutes réalisée en 1983 fait honneur au classique de Charlotte Brontë et sublime l’histoire d’amour éternelle entre Jane Eyre, éprise de bonheur et de liberté (« Je ne suis pas un oiseau. Je suis un être libre avec sa propre volonté… » ) et Edward Rochester, histoire d’amour maintes fois contrariée : par la péronnelle Blanche Ingram (Mary Tamm, la première Lady Romana dans Doctor Who), la visite d'un personnage issu du passé de Rochester, la révélation de son secret, un incendie… nulle péripétie feuilletonesque ne privera l’heureux télespectateur d’un dénouement espéré.

« Il devait y avoir des millions de gens comme moi qui avaient besoin d’action. Surtout des femmes voulant plus que leur quotidien. » (Jane)

La carrière de Zelah Clarke, l’actrice principale, ne bénéficia pas de la perfection de son interprétation, elle épousa un producteur de la BBC et mit en veille sa vie professionnelle avec une élégante discrétion et beaucoup de philosophie. Timothy Dalton considère à juste raison Jane Eyre comme un des grands moments d’une filmographie bien remplie empreinte de la volonté de jouer la carte de la diversité plutôt que celle de la starisation – comme il l’a encore montré avec brio dans la comédie Hot Fuzz (2007).

Ce Jane Eyre de 1983 fut tourné en extérieurs dans le Derbyshire ainsi qu’à Pebble Mill, dans les studios de la BBC à Birmingham (déménagés en 2004 au complexe commercial The Mailbox), studios qui abritèrent des adaptations prestigieuses telles que Oliver Twist, Great Expectations ou David Copperfield. Il constitue un des sommets de ce que la BBC peut offrir en matière d’adaptation de classiques littéraires. En le visionnant on pense spontanément au Rebecca réalisé en 1979 pour la Beeb par Simon Langton – avec Jeremy Brett – d’après le roman de Daphne Du Maurier (œuvre très influencée par le roman de Charlotte Brontë)

On croisera avec enchantement, outre les talentueux acteurs précités, Damien Thomas (Richard Mason) et Colin Jeavons (dans le rôle de l’avocat Briggs), visages familiers des fans de la trilogie Château de cartes. Et la musique de Paul Reade est magnifique. A savourer en version originale avec un sous-titrage réalisé spécialement. Puis déguster Orgueil et préjugés dans la foulée.

« Croyez vous que nous soyons liés, Jane. » (Rochester)

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