Le Prisonnier 2009 est arrivé en France la semaine dernière sur Canal Plus.Co-créé et produit en 1967 par
Patrick McGoohan, qui en était la vedette,
Le Prisonnier (
The Prisoner) racontait l'histoire d'un agent secret qui après avoir démissionné se réveille dans un étrange endroit appelé
Le Village. Chaque résident du Village est appelé par un numéro, son chef est le
Numéro Deux et notre homme devient le
Numéro Six contre sa volonté. Le Numéro Deux veut savoir pourquoi le Numéro Six a démissionné et le Numéro Six veut s'évader du Village.
Les 17 épisodes de la série de McGoohan, bien que n'étant pas tous parfaits, ont acquis un statut d'oeuvre culte à travers les années et l'idée d'un remake était certainement inévitable. En novembre 2005,
Granada annonça que la compagnie projetait de faire une nouvelle version de la série
Le Prisonnier en association avec
Sky One plus des chaînes européennes et américaines comme partenaires possibles (
http://www.broadcastnow.co.uk/news/multi-platform/news/granada-plans-new-versionof-the-prisoner/1032284.article). Des rumeurs donnaient
Christopher Eccleston comme vedette.
En 2006,
The Hollywood Reporter révéla que la chaîne câblée américaine
AMC était associée au projet mais en 2007
Sky One décida de se retirer en raison de divergences créatives avec le partenaire américain
(1).
ITV, propriétaire du
Prisonnier, s'accrocha en tant que seul producteur britannique avec AMC comme co-producteur.
Ecrite par
Bill Gallagher (
Conviction), réalisée par
Nick Hurran (
Bonekickers) et tournée en Afrique du Sud et en Namibie, la nouvelle version du
Prisonnier - une mini-série en six parties - a été diffusée d'abord par AMC en novembre 2009 en temps qu'
évènement programmé sur trois jours. Au Royaume-Uni
ITV1 devrait la diffuser ce printemps mais c'était déjà annoncé dans la brochure de présentation d'ITV1 pour la saison
Hiver/Printemps 2008-2009.
Un citoyen américain (
Jim Caviezel) se réveille dans le désert où il voit un vieil homme qui est poursuivi. Le vieil homme vient d'un étrange endroit appelé Le Village, où tout le monde est un numéro. Le leader du Village est
Deux (
Ian McKellen) et notre Américain devient
Six. Les remakes permettent aux nouvelles générations de découvrir des concepts, des histoires et des personnages et sans eux le seul
Batman serait toujours
Lewis Wilson dans le serial de 1943. On peut les appeler "réinventions", "réinterpretations", "reboots" ou ce que vous voulez, l'idée c'est toujours de refaire ce qui a déjà été fait mais avec de nouveaux éléments. Dans le cas qui nous intéresse, "remake" fera l'affaire.
Bernie Lomax (voir
Week-end chez Bernie) est le saint patron de l'industrie du divertissement, où l'originalité est un risque et où chaque compagnie ou conglomérat des media creuse très profondément dans son catalogue afin d'en déterrer une vieille série, classique ou non, pour transformer une vieille "marque" en pactole. La BBC a la franchise
Doctor Who, ITV a une myriade de titres cultes hérités de l'ère
ITC Entertainment.
Mais le
Prisonnier original était et aurait dû rester unique: Le Village, pour partie
Portmeirion - un singulier mélange architectural au
Pays de Galles - et pour partie les studios, les décors, les costumes, les musiques originales ou issues de catalogues d'éditeurs, l'ambiance, les acteurs, etc. L'idée de McGoohan est une oeuvre d'art télévisuelle, philosophique et esthétique. Son influence est palpable dans de nombreux films ou séries télévisées:
L'homme de Nulle Part (Nowhere Man),
The Truman Show,
Meadowlands... A bien des égards ces séries ou films ont déjà "réinventé"
Le Prisonnier, et parfois beaucoup mieux que la nouvelle mini-série.
La première des nombreuses faiblesses de ce
Prisonnier c'est clairement sa star. Le Six de
Jim Caviezel est si terne qu'il est effacé par le Deux de
Ian McKellen. McKellen est formidable... Bien sûr qu'il l'est! C'est Ian McKellen, il pourrait captiver un public rien qu'en lisant sa liste de courses. Dans la version d'origine, la fonction de
Numéro Deux avait un taux exponentiel de
turnover mais pas là (bien évidemment, n'oubliez pas que c'est Ian McKellen) et le nouveau Deux a un fils, une épouse qui semble très malade, et un penchant douteux pour les ananas. Les grenades, veux-je dire.
Dans la série de 1967 Le Village était si distinctif que c'en était presque un personnage. Le nouveau village, la station balnéaire namibienne de
Swakopmund, est visuellement un croisement entre
Meadowlands et Disneyland, un rêve (?) d'architecture coloniale traversé par ces voitures et ces autobus anonymes qu'on voit dans tant de publicités parce que beaucoup de publicités sont tournées en fait en Afrique du Sud. Alors que le
Mini Moke de la série originale était si emblématique des
Swinging sixties.
Des vues superbes du
désert namibien compensent l'anonymat des extérieurs et des véhicules mais ne peuvent compenser un certain manque de fortes personnalités parmi la distribution, à part Ian McKellen (bien sûr, c'est...) Une autre faiblesse est
l'américanisation de l'histoire, Six est de
New York, il demande à voir un consul américain, un dessin de
la Statue de la Liberté est un des indices de la réalité de son monde, deux tours de verre dans le désert évoquent le
World Trade Center. Et la musique est le genre de composition générique qu'on entend dans chaque blockbuster hollywoodien, puisqu'elle est du Britannique
Rupert Gregson-Williams, ex-
Media Ventures (
Hans Zimmer et ses copains).
Les thèmes du
Prisonnier de 1967, tels que l'individu contre la société, peuvent être considérés comme universels mais, même si son co-créateur et interprète principal était américain, la série elle-même était intrinsèquement britannique. Comme l'a dit
Richard Woolfe, alors
patron de Sky One, dans son interview pour
Digital Spy en
2007:
« C'est une série quintessentiellement britannique et il y avait trop de divergences créatives à tenter de partager ça avec un partenaire américain. Je ne voulais pas être responsable d'avoir pris quelque chose de quintessentiellement britannique pour l'adapter d'une manière dont je sentais qu'elle ne reflèterait pas la façon dont les gens s'en souvenaient et la manière dont les gens voudraient que ce soit fait » (2).
Il y a beaucoup de bonnes idées dans
Le Prisonnier 2009: le vieil homme dans la séquence pré-générique du premier épisode ressemble à un
Patrick McGoohan âgé habillé avec le costume original (il n'y a pas d'"uniforme" dans le nouveau Village), le soap opera
Wonkers,
70 - les psychanalystes jumeaux. Et le clin d'oeil hilarant à la scène de la carte de la version 1967 de
L'arrivée. Mais il y a aussi trop de mauvaises idées, comme l'inélégant générique et tout ce qui concerne
Summakor, ou l'histoire avec le fils de Deux.
Malheureusement, ce très oubliable remake du
Prisonnier va rejoindre le non-nécessaire remake américain de
Life on Mars et ses semblables. Six n'est pas un homme libre, ce n'est même pas vraiment un "numéro" - curieusement le doublage français ramène sporadiquement le vieux "
Numéro Six".
Désolé, faux numéro...
(1) (2) http://www.digitalspy.co.uk/broadcasting/a73571/qa-sky-one-head-richard-woolfe.html (En Anglais)http://www.amctv.com/originals/the-prisoner/http://www.independent.co.uk/news/media/no-escape-for-sky-the-curse-of-the-prisoner-403470.htmlVoir également (En Anglais):
http://cathoderaytube.blogspot.com/2009/11/prisoner-episode-1-arrival-episode-2.htmlhttp://cathoderaytube.blogspot.com/2009/11/prisoner-episode-3-anvil-episode-4.htmlhttp://cathoderaytube.blogspot.com/2009/11/prisoner-episode-5-schizoid-episode-6.html